Denis s'est fait le porte-parole de ses parents, qui habitent en région. «Il y a une trentaine d'années, mes parents ont acquis des lots boisés qu'ils ont payés à l'époque 15 000 $, relate-t-il. Leur santé est incertaine depuis quelques années et ils aimeraient préparer leur succession de la meilleure manière possible.»        

Selon l'évaluation municipale, ces lots valent 250 000 $ mais leur valeur marchande est probablement supérieure.

«Mes parents n'ont jamais voulu et ne veulent toujours pas vendre les lots boisés, mais plutôt nous les léguer, à moi et mes deux frères, poursuit Denis. Quant à nous, notre idée a toujours été de les garder comme actif au décès de nos parents et de les retransmettre à nos enfants de la même façon. La vente n'est envisagée sous aucune considération.»

Ses parents, hormis leur maison, ne possèdent que ce seul actif et sont peu fortunés.

«Ils ne savent pas trop comment procéder pour éviter, ou amoindrir, les conséquences fiscales qu'aura ce legs envers nous», explique Denis.

Scénarios et coup de théâtre

Pour répondre au problème, Éric Brassard, comptable agréé et planificateur financier, et Robin Lévesque, avocat et comptable en management accrédité, de la firme Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés, ont fait trois scénarios.

Dans le premier, Denis et ses frères ne font rien et attendent les évènements. Lors du décès du premier des parents, tous ses biens seront transférés au conjoint survivant, sans impact fiscal. L'impôt est en effet reporté au décès de l'autre conjoint.

Au second décès, la succession devra acquitter l'impôt payable sur tous les biens avant de les distribuer aux héritiers, comme si le défunt en disposait au jour de son décès. Il faudra alors payer l'impôt sur le gain en capital réalisé depuis l'achat des lots boisés.

À combien s'élèverait-il ? Nos experts l'ont estimé. Si les lots achetés 15 000 $ valent 300 000 $ au moment du décès, le gain en capital se fixera à 285 000 $. La moitié du gain en capital réalisé est imposable, soit 142 500 $. Si par exemple la mère de René décédait la dernière et en milieu d'année, cet ajout de 142 500 $ à ses revenus entraînerait un impôt supplémentaire de 62 800 $.

C'est un problème fréquent lorsque des parents veulent léguer à leurs enfants d'importants actifs «non liquides» - des immeubles, notamment - en limitant la lourde charge fiscale. Les enfants pourront bien sûr vendre un des immeubles, mais ils veulent souvent les conserver. Ils peuvent aussi contracter une hypothèque pour payer l'impôt, mais l'emprunt «crée des contraintes financières, ses intérêts ne sont pas déductibles, et le patrimoine total de la succession diminue», observe Éric Brassard.

Dans un deuxième scénario, les parents de Denis, pendant qu'ils sont encore en vie, céderaient progressivement les lots à leurs enfants. «Les ventes successives permettraient de répartir le fardeau fiscal sur plusieurs années d'imposition au lieu de créer un revenu important dans une seule année et subir une imposition à un taux marginal élevé», explique Robin Lévesque. En supposant quatre ventes en quatre ans, le gain en capital serait d'environ 35 000 $ par année, divisé entre les deux conjoints copropriétaires. L'impôt supplémentaire à payer par les deux conjoints totaliserait cette fois 46 280 $. Ce scénario ferait épargner environ 16 000 $ d'impôt. Aucun droit de mutation ne s'appliquerait, mais il faudrait soustraire les frais de notaire pour chacune des transactions.

Cependant, la meilleure solution consisterait à établir une stratégie d'assurance vie. Le principe est le suivant : les parents souscrivent une assurance dont la prestation de décès sera suffisante pour acquitter les impôts. «Le coût de l'assurance sera nettement inférieur à la facture fiscale générée au décès», soutiennent nos conseillers.

Il est vrai qu'il faudra entre-temps payer les primes. Les parents de Denis n'en ont pas les moyens, et de toute manière, ce sont leurs enfants qui en bénéficieraient. Ceux-ci devraient donc se partager le paiement. Selon une soumission demandée pour l'occasion, une couverture de 100 000 $ imposerait une prime annuelle de 2700 $.

«Même si on décède à un âge avancé, le taux de rendement après impôt entre ce qu'on verse en primes et ce qu'on reçoit en prestation de décès est nettement supérieur aux placements conservateurs», indique Éric Brassard.

«Les gens qui ont un parc immobilier font fréquemment l'erreur de se hâter de payer leur hypothèque dont les intérêts sont faibles et déductibles au lieu d'investir dans une police d'assurance pour couvrir les impôts au décès qui augmentent sans cesse», continue-t-il.

Amenons maintenant notre coup de théâtre.

«Si le terrain se qualifiait comme propriété forestière faisant partie d'un plan d'aménagement forestier (plan qui doit se conformer aux exigences d'un programme provincial pour l'aménagement durable et la conservation des forêts), il bénéficierait d'une exonération de gain en capital de 750 000 $ tant au niveau fédéral que provincial, indique Robin Lévesque. Dans ce cas, il n'y aurait plus d'impôts au décès et toutes les préoccupations seraient réglées. Une vérification s'impose !»

Vérification faite, c'est bien le cas. Mais si nous en avions parlé plus tôt, nous n'aurions pas eu le bonheur d'aborder la question de l'assurance vie.

LA SITUATION

Les parents de Denis voudraient laisser en héritage à leurs enfants les lots boisés qu'ils ont acquis il y a plus de 20 ans. Mais à leur décès, la succession devra payer l'impôt sur le gain en capital réalisé depuis l'achat, soit une facture de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Comment réduire ce choc ?

«Comment transmettre ce type de bien en héritage tout en payant le moins d'impôt possible ?», Denis

LES DONNÉES

Le père de Denis, 69 ans

Revenus de retraite : 17 200 $

REER : 15 000 $

La mère de Denis, 67 ans

Revenus de retraite : 43 200 $

REER : 15 000 $

Résidence : 200 000 $, libre d'hypothèque

Autres actifs : lots boisés, payés 15 000 $, évalués à 300 000 $

Revenus des lots boisés : 5000 $

LA SOLUTION

Habituellement, la solution la plus rentable consiste à contracter une assurance vie, dont la prestation de décès servira à acquitter l'impôt sur le gain en capital. Puisque les parents ont peu de ressources et que ce sont les enfants qui en bénéficieraient, ce sont ceux-ci qui devraient payer la prime annuelle. Mais surprise, parce que les lots boisés font partie d'un plan d'aménagement forestier, ils bénéficient d'une exonération de gain en capital !

Citation

«L'assurance vie permet d'avoir les liquidités pour faire face aux impôts au décès, sans réduction du patrimoine du défunt.», Éric Brassard, CA, Pl. Fin, et Robin Lévesque, LL.B., CMA