Un certain design pour un certain âge

Le «certain âge» connaît des tracas qui peuvent paraître anodins à ceux qui ne les éprouvent pas. Ou pas encore.

Dans le bureau de la denturologiste Danielle Patenaude, un homme de 60 ans, prévoyant un rendez-vous avec une femme, s'est enquis, gêné: quel effet lui fera-t-il d'embrasser un homme qui porte une prothèse dentaire? Une autre cliente lui a confié qu'elle a toujours caché à son conjoint qu'elle portait une prothèse pour la mâchoire supérieure.

Ces confidences, ces malaises, ces petites hontes ont depuis longtemps convaincu Danielle Patenaude que les bains à prothèses, ces boîtes de plastique dans lesquelles les dentiers sont laissés à tremper pour la nuit, manquaient singulièrement de discrétion. «On travaille à faire des prothèses dentaires qui ne paraissent pas, observe-t-elle, et je me voyais donner une boîte à prothèse qui parlait toute seule.»

Elle a eu l'idée d'un bain à prothèses dentaires qui ne dirait pas son nom, élégant à la manière d'un écrin à bijou ou à montre. Elle en a cherché, n'en a trouvé aucun.

Qu'à cela ne tienne, elle le fabriquerait elle-même. Elle a confié à la firme Alto Design le soin de concrétiser sa vision: un coffret en plastique recouvert de cuir synthétique fini croco, qu'on pourrait laisser sans gêne dans la chambre à coucher ou la salle de bains, et demeurerait hermétique même renversé.

«L'intérêt n'est pas tellement dans l'aspect technique du projet, mais dans la vision de Mme Patenaude», insiste cependant Patrick Mainville, associé et directeur général chez Alto Design. La denturologiste tenait à ce que le contenant s'ouvre comme un écrin, sans effort pour des mains affaiblies ou devenues malhabiles. «On lui a démontré qu'il fallait absolument comprimer un petit joint souple et s'assurer que cette compression soit maintenue, sinon il n'y avait pas d'étanchéité possible», raconte le designer.

Leur solution a néanmoins respecté les objectifs ergonomiques de la denturologiste.

La charnière est fournie par le revêtement en cuir synthétique lui-même, renforcée au pli par un tissu hydrofuge. Le couvercle est clos par un petit tenon qui s'engage dans une mortaise aménagée dans le rebord du coffret. Une légère pression du pouce sur la paroi frontale du boîtier la déforme suffisamment pour dégager le tenon et procurer le sésame. Un rabat en cuir se referme discrètement sur l'ouverture, où il est maintenu par un aimant. «Il y aurait eu des chemins plus faciles, mais elle se préoccupait toujours du client final», constate Patrick Mainville.

Les prothèses sont déposées dans un panier d'égouttement à deux compartiments, qu'on retire du coffret grâce à une petite protubérance facile à saisir.

«Présentement, il n'y a rien de comparable dans le monde», assure Danielle Patenaude. Elle a fondé une entreprise, Dent de lion accessoires, pour commercialiser ses articles, mis en vente en décembre (www.dentdelion.ca).

Le même souci a présidé à la conception d'un panier d'épicerie mieux adapté à une population vieillissante, pour les Industries Rondi.

Alto Design lui a donné la forme d'un haricot. La partie concave se loge contre la cuisse, de manière à rapprocher du corps le centre de gravité du panier. Le bras peut ainsi tendre vers la verticale, ce qui impose moins de tension dans l'épaule.

L'anse a été placée dans l'axe longitudinal, plutôt que transversal comme sur les paniers d'épicerie courants. Cette disposition n'impose aucune rotation au poignet. En outre, si un article lourd cause un déséquilibre à une extrémité, la main peut se déplacer sur l'anse pour s'approcher de cette charge. Sur un panier traditionnel, une charge décentrée fait plutôt basculer le panier autour de son anse.

Des solutions simples. Mais des préoccupations importantes. Et de plus en plus répandues.

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