Les gens d'affaires ont décidé hier de mettre leur grain de sel dans la guerre que se livrent le gouvernement Harper et les libéraux de Michael Ignatieff sur le sort des baisses d'impôts consenties aux entreprises.

Alors que cette question risque d'être un des principaux enjeux de la prochaine campagne électorale, le président de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty, a quitté sa réserve en critiquant sans ménagement la promesse des libéraux d'annuler cette mesure fiscale s'ils remportent les prochaines élections.

Le taux d'imposition des sociétés est passé de 18% à 16,5% le 1er janvier et sera réduit de nouveau à 15% le 1er janvier 2012. Même s'ils ont appuyé le budget des conservateurs qui a introduit ces baisses en 2008, les libéraux estiment aujourd'hui qu'Ottawa, déjà aux prises avec un déficit de 45 milliards de dollars cette année, ne peut se permettre une telle mesure qui privera, à terme, le fisc de six milliards de dollars en revenus par année.

Mais, selon M. Beatty, ancien ministre dans le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, annuler cette mesure fiscale heurtera «de plein fouet» l'économie canadienne au moment même où la reprise demeure fragile.

«Nous avons un plan national, créé - et endossé - par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de diverses allégeances politiques dans le but d'établir le taux d'imposition des sociétés canadiennes à 25,7% d'ici 2013. Ce taux ferait du Canada un environnement concurrentiel pour faire des affaires et procurerait des avantages aux entreprises dans tous les secteurs et dans toutes les régions», a affirmé hier M. Beatty.

«La solution de remplacement est une augmentation des impôts. Personne ne croit qu'une augmentation des impôts serait avantageuse pour la croissance ou l'emploi. Ce serait comme porter un coup de plein fouet à l'économie», a-t-il ajouté. Le problème est trop grave pour être laissé entre les mains des acteurs de la joute politique.»

Les gens d'affaires à l'affut

Cette sortie de M. Beatty démontre que les gens d'affaires n'ont pas l'intention de demeurer à l'écart de la prochaine campagne électorale. La dernière fois que les dirigeants d'affaires du pays se sont immiscés dans une campagne remonte à 1988 alors que se jouait l'avenir de l'entente de libre-échange entre le Canada et les États-Unis négocié par le gouvernement de Brian Mulroney.

M. Beatty a fait cette sortie au moment même où sept ministres du gouvernement Harper lançaient une offensive à travers le pays pour vanter les avantages des réductions accordées aux «créateurs d'emplois».

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a lancé l'offensive à Oshawa en visitant les installations de AGS Automotive Systems. «Des taux d'imposition bas encouragent les entreprises à investir davantage dans l'économie canadienne, ce qui stimule la création d'emplois et la croissance économique», a affirmé M. Flaherty.

Réaction d'Ignatieff

Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, s'est montré peu impressionné par cette charge des conservateurs. Selon lui, le gouvernement Harper donne des «cadeaux» aux grandes entreprises déjà fort rentables en réduisant les impôts des sociétés.

«La meilleure façon de stimuler l'économie canadienne, c'est d'aider la classe moyenne», a dit M. Ignatieff en énumérant certaines promesses des libéraux pour donner un coup de pouce aux gens de la classe moyenne. «Nous croyons que c'est une meilleure solution que de donner des cadeaux aux corporations les plus rentables du Canada. (...) C'est un choix de société, un choix politique et un choix économique», a dit M. Ignatieff.

Il a aussi affirmé que les entreprises canadiennes jouissent déjà du taux d'imposition le plus bas des pays du G7.