Après 25 ans de mariage, Yves et Danielle rêvaient d'un premier voyage en Europe.

Mais leur maison, vieille de plus de 50 ans, en a décidé autrement.

«Nous avons dû faire d'importants travaux l'an dernier pour des problèmes d'humidité et de moisissure, explique Yves. Compte tenu des risques pour la santé de notre famille et de l'impact négatif sur la valeur de notre maison, nous considérions ne pas avoir vraiment le choix de faire ces travaux.»

Le couple a dû demander une marge de crédit de 60 000$ et «reporter le voyage d'amoureux attendu depuis longtemps».

Cette marge de crédit, sur laquelle 52 000$ sont engagés à un taux d'intérêt de 4%, s'ajoute au solde hypothécaire de 94 000$, au taux fixe de 5,24%.

La propriété vaut environ 236 000$.

Yves et Danielle travaillent tous deux dans le secteur parapublic, pour un revenu total d'environ 158 000$ avant impôt. Ils ont deux enfants encore aux études, qui habitent toujours à la maison.

«Quelle serait la meilleure stratégie de remboursement? demande Yves. Priorité à la marge de crédit ou à l'hypothèque à 5,24%, ou quoi encore?»

Deux projets

C'est notamment à ce «quoi encore» que s'est intéressé le planificateur financier Richard La Ferrière, de TD Waterhouse.

Les deux conjoints estiment leurs dépenses actuelles -leur coût de vie, selon l'expression consacrée- à environ 85 000$. Mais leurs revenus nets de 102 000$ racontent une autre histoire: en soustrayant les 5000$ d'épargnes annuelles versées aux REER, le coût de vie du couple approche probablement 95 000$.

Pour estimer leurs dépenses à la retraite, le planificateur a soustrait de ces 95 000$ les débours qui auront alors disparu. «On a enlevé l'hypothèque, les études, la nourriture et les vêtements des enfants, plus certaines dépenses inhérentes au travail, comme une deuxième voiture», décrit-il.

Résultat, un budget de retraite de 70 000$ leur permettrait de maintenir le même train de vie qu'actuellement.

C'est cependant le court terme qui préoccupe Yves et Danielle. Ils nourrissent deux projets qui leur tiennent à coeur, mis en péril par les importants travaux correctifs qu'ils ont dû faire effectuer. Ils souhaitent achever la rénovation des salles de bains et de la cuisine de leur maison, dont l'aménagement date de plus de 50 ans. Ils évaluent modestement les travaux à près de 20 000$. Ils espèrent aussi réaliser ce voyage en Europe qu'ils n'ont jamais pu concrétiser. Ces deux semaines leur coûteraient 5000$, estiment-ils.

Pour concilier projets et obligations, Richard La Ferrière suggère de grouper le solde hypothécaire actuel de 94 000$, la marge de crédit de 52 000$, le budget de rénovation et de voyage en un seul nouveau prêt hypothécaire de 170 000$. Il étend l'amortissement sur 15 ans, et utilise pour ses calculs le taux fixe de 5,10%, offert actuellement avant négociation. La nouvelle mensualité s'élèverait ainsi à 1330$, soit 180$ de plus que les 1150$ actuels.

«En réaménageant leur budget et en le suivant de façon plus systématique, ils seraient surpris de la marge de manoeuvre qu'ils pourraient dégager», observe le planificateur.

Avec cette hypothèque, et sous l'effet d'une inflation que notre planificateur estime à 2%, les dépenses du couple s'élèveront à 101 000$ au moment de leur retraite.

Deux retraites

Yves et Danielle contribuent à leurs REER respectifs à raison de 200$ par mois chacun. «Et c'est amplement suffisant», commente Richard La Ferrière.

Ils ont ainsi accumulé respectivement 76 400$ et 71 500$ en REER.

Le planificateur a affecté un taux de rendement de 6,9% aux épargnes du couple, en accord avec leur portefeuille équilibré. En poursuivant leur rythme actuel de cotisation jusqu'en 2020, Yves et Danielle détiendront alors respectivement 172 000$ et 162 000$.

Entrés jeunes et au même âge dans la fonction publique, Yves et Danielle atteindront 35 ans de service à 58 ans, ce qui leur donnera droit à la rente de retraite maximale de 70% du revenu, à raison de 2% par année de service.

En 2020, au début de leur retraite, ils devraient donc toucher des rentes annuelles respectives de 54 000$ et 65 000$, soit un total de 119 000$.

Parce que les rentes de ces régimes ne sont indexées qu'en partie et qu'en certaines circonstances -nous vous passons les détails-, notre planificateur suppose que pratiquement, elles ne seront pas ajustées au coût de la vie. «Ça fait une planification excessivement prudente, mais qu'on va probablement atteindre», dit-il.

Il faudra puiser dans les REER, mais l'arrivée éventuelle de la RRQ et de la PSV limitera ces ponctions au minimum. «Selon nos estimations, le solde FERR du couple sera de 435 000$ à 90 ans», estime notre planificateur. En dollars actuels, il correspondra à environ 190 000$.«La propriété aurait alors une valeur de 585 000$ en tenant compte d'une inflation de 2% en moyenne par année», ajoute-t-il.

Bref, si le couple dépasse 90 ans, il n'y aura pas lieu d'être inquiet!

Étaler le financement d'un voyage sur 15 ans est-il une bonne stratégie budgétaire? «Je ne le suggère pas au niveau financier, mais plutôt au niveau du moral, explique le conseiller. Ce voyage était très important pour eux et ils sont passés par des moments très difficiles avec leur maison.»