Le système de retraite au Québec est malade. Sans remède, plus de la moitié des travailleurs devront réduire significativement leur niveau de vie à la retraite, prévient Claude Castonguay. Sa prescription? La mise en place d'un REER obligatoire pour tous les travailleurs qui ne bénéficient pas déjà d'un régime de retraite avec leur employeur.

«Après une quarantaine d'années où les mesures facultatives n'ont pas donné les résultats escomptés, il faut bien se rendre à la conclusion qu'il faudra imposer quelque chose», a expliqué à La Presse celui que l'on considère comme le père de l'assurance maladie.

Les gouvernements ont bien tenté d'encourager les entreprises à mettre en place un régime de retraite, malgré tout, le nombre de régimes a fondu de plus de moitié en 25 ans au Québec.

Désormais, à peine le tiers (37%) de la main-d'oeuvre québécoise participe à un tel régime. Dans le secteur privé, à peine un travailleur sur cinq a un régime de retraite, rapporte M. Castonguay, fellow invité au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), dans une étude diffusée hier.

Selon lui, l'actuel régime enregistré d'épargne-retraite (REER) ne joue pas non plus son rôle, même après 50 ans d'existence. Les aînés tirent à peine 2% de leurs revenus du REER, et cette proportion diminue. «Les gens économisent dans leur REER, mais ils ne conservent pas l'argent pour leur retraite», a constaté M. Castonguay.

C'est pourquoi il propose la mise en place d'un nouveau REER obligatoire immobilisé, dans lequel les travailleurs ne pourraient pas puiser, sauf pour l'achat d'une maison.

Plusieurs pays ont déjà mis en place des régimes semblables, notamment le Danemark, la Suède et l'Australie. Au Canada, la Saskatchewan a aussi instauré un tel régime, mais les individus ont le droit de ne pas y adhérer.

Contribution de 5%

Selon M. Castonguay, tous les travailleurs de 35 ans et plus devraient verser 5% de leurs revenus de travail (de 25 000$ jusqu'à 70 000$ environ) chaque année. Les cotisations seraient déductibles d'impôt, allégeant ainsi le fardeau.

Les sommes seraient prélevées à la source, comme les contributions au Régime des rentes du Québec (RRQ).

Les sommes s'accumuleraient dans le compte individuel de chaque travailleur. Mais ceux-ci ne prendraient aucune décision de placement.

«Je propose que les sommes soient confiées à un petit organisme qui confierait la gestion aux meilleurs gestionnaires de fonds, plutôt qu'à la Caisse de dépôt qui n'a pas eu de bons rendements ces dernières années», a dit M. Castonguay.

La centralisation de la gestion des actifs permettrait d'éviter que les investisseurs ne soient victimes de fraude financière, tout en permettant de réduire considérablement les frais de gestion. «On pourrait parler de frais de l'ordre de 0,5% par année, par rapport à plus de 2% dans les fonds communs de placement», a avancé l'économiste.

À partir de 65 ans, les travailleurs utiliseraient l'argent accumulé pour se procurer une rente viagère auprès d'une institution accréditée. Ils ne risqueraient donc pas d'épuiser leurs économies avant leur décès.

La meilleure option

Le REER obligatoire est l'option la plus avantageuse pour le Québec, estime M. Castonguay.

Celui-ci n'est pas favorable à la bonification de la couverture de la RRQ et de son pendant, le Régime de pensions du Canada, comme l'a déjà suggéré le gouvernement Harper.

Une telle réforme serait difficile à effectuer au Québec, à cause du déséquilibre financier de la RRQ qui a davantage souffert des mauvais rendements au cours de la crise du crédit. Les changements risqueraient de se faire sur le dos des générations futures, ce qui serait injuste.

En plus, les employeurs devraient fournir une partie de l'effort, ce qui en inciterait plusieurs à saborder leur régime actuel, craint M. Castonguay.

Il ne croit pas non plus au projet présenté en décembre dernier par le ministre des Finances du Canada. Le nouveau Régime de pension agréé collectif se veut une option d'épargne simple et peu coûteuse pour les travailleurs autonomes et les PME.

Or, ce nouveau mécanisme ne serait pas obligatoire. «La démonstration a été faite que cette voie-là ne donne pas les résultats, dit M. Castonguay, et je ne crois pas qu'elle en donnera davantage.»