Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean David Meloche, de Montrusco Bolton.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Pour moi, le plus significatif a été la publication du chiffre d'inflation en Chine qui est sorti à 5,1%, alors que les attentes étaient beaucoup plus basses. Ce n'est pas le chiffre en soi qui est effrayant. C'est la tendance. L'inflation monte très rapidement. Ça implique que le gouvernement doit contenir l'inflation, ce qui passe par un ralentissement de la croissance économique. Vu que la Chine est considérée comme la locomotive de l'économie mondiale, c'est négatif pour tout le monde.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je regarde les taux hypothécaires aux États-Unis. Ils sont liés aux taux des obligations du gouvernement américain. Les taux d'intérêt sur les obligations de 5 ans sont passés de 1,02% en novembre, à 2,03% en ce moment. Ils ont doublé en un peu plus d'un mois! C'est énorme, surtout à un moment où la Réserve fédérale américaine s'était donné un budget de 600 milliards pour garder les taux le plus bas possible.

Mais c'est le lien avec le marché hypothécaire qui m'inquiète. Pour 23% des Américains, l'hypothèque est plus élevée que la valeur de leur maison. Si leur paiement mensuel commence à monter, j'ai peur qu'une plus grande proportion des Américains cessent de payer. Le problème des saisies de maison pourrait prendre encore plus d'expansion. Et le prix des maisons, qui s'était stabilisé, pourrait connaître une nouvelle chute.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je suggérerais un fonds d'actions qui contient des sociétés qui versent des dividendes importants. Il faut s'assurer de payer des frais de gestion minimaux. Et il faut s'assurer que le fonds est composé de compagnies qui ont des revenus très récurrents et qui versent des dividendes inférieurs à leurs flux de trésorerie.

Autrement, j'irais dans un fonds d'actions de marchés émergents. Tout le monde s'entend pour dire que la croissance proviendra de la Chine, du Brésil, des pays émergents. Certains sont réticents, car les cours-bénéfices des actions des pays émergents sont maintenant plus élevés que dans les pays développés, ce qui s'est produit très rarement. Moi, je suis en désaccord: je pense que les marchés émergents restent une belle occasion.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Si j'avais une catégorie d'actif à éviter, ce serait les obligations gouvernementales de longue durée. Les gens ont toujours l'impression qu'ils ne feront pas de perte en capital avec des obligations du gouvernement. C'est faux! Quand les taux vont se remettre à monter, la valeur des obligations va baisser.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les marchés n'accordent pas assez d'importance au fait que le soutien gouvernemental est très élevé en ce moment: on voit des déficits budgétaires de l'ordre de 10% aux États-Unis. Ce soutien-là a une limite dans le temps, un. Et deux, il devra être renversé. Un déficit de 10% n'est pas soutenable. En abaissant le déficit, ça devient un frein à la croissance. Or, les investisseurs s'attendent à une croissance de 14% des profits des sociétés. C'est énorme quand on sait qu'elles devront faire face au retrait des plans de relance. La croissance sera moins importante que les prévisions.

Dans ce contexte-là, je ne m'attends pas à ce que la Bourse offre 15% de rendement par année, d'ici 5 ans. Mais il y a toujours moyen de trouver des titres rentables. Des exemples: La société hollandaise Vopak (VPK) qui bâtit des terminaux portuaires pour stocker des matières premières; la société anglaise Providence Financial (PFG) qui prête à des clients moins bien nantis, dont le risque de défaut est élevé; au Canada, Sino-Forest (TRE) qui détient des forêts en Chine, un actif couru avec l'enrichissement de la classe moyenne.

Jean David Meloche est gestionnaire de portefeuille d'actions internationales chez Montrusco Bolton. Fondée en 1946, la société montréalaise gère des actifs de plus de quatre milliards de dollars pour des clients institutionnels et privés.