De toutes les provinces canadiennes, on sait que c'est au Québec où l'effort fiscal consenti tant par les particuliers que par les sociétés est le plus élevé.

Ce qu'on sait moins, c'est que l'effort supplante la moyenne canadienne, quel que soit le type d'imposition ou de taxe retenu.

«Il faut avoir ces chiffres à l'esprit pour bien saisir que le défi budgétaire actuel ne peut pas se résoudre facilement par le recours accru à la taxation», lit-on dans Fiscalité comparée: une utilisation prédominante des assiettes fiscales au Québec, une étude cosignée par Luc Godbout, Diana Darilus et Suzie St-Cerny, de la chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l'Université de Sherbrooke, que La Presse a obtenue avant sa mise en ligne.

Pour leurs travaux, les chercheurs ont pris les données de 2007, les plus récentes de Statistique Canada qui collige toutes les variables fiscales fédérales et provinciales.

Ils ont ensuite mesuré les recettes des principales formes d'imposition (elles couvrent en moyenne 90% des rentrées). Ils ont ensuite bâti un indice de l'effort fiscal où 100 équivaut à l'effort fiscal moyen des provinces.

Première conclusion qui ne surprend guère, l'effort fiscal global du Québec mesuré en proportion de son produit intérieur brut (PIB) équivalait à 117,2 en 2007 (voir graphique). L'Île-du-Prince-Édouard suit à 110,8, tandis que l'Ontario et la Nouvelle-Écosse sont les deux seules autres provinces au-dessus de 100.

Les auteurs sont allés plus loin en comparant le fardeau fiscal du Québec à l'effort moyen des neuf autres provinces. «On remarque même un agrandissement de l'écart depuis la fin des années 90», notent-ils. L'écart aux autres provinces s'élevait à 22,4% en 2007.

Les auteurs mesurent aussi l'effort fiscal par variable: pour les particuliers, les impôts sur le revenu, les taxes à la consommation, les impôts fonciers, les cotisations sociales à la charge des salariés et des travailleurs indépendants; pour les sociétés, les impôts sur les bénéfices, les taxes sur le capital, les taxes sur la masse salariale et les cotisations sociales à la charge des employeurs.

(La portion de l'impôt fédéral sur le revenu est incluse pour tenir compte de l'abattement dont seuls jouissent les contribuables québécois.)

Quelle que soit la variable retenue, l'effort québécois est plus élevé que celui de la moyenne des autres provinces. Il est même le plus grand de tous en ce qui a trait à l'impôt sur le revenu des particuliers. Même si d'autres provinces dépassaient le Québec pour les taxes à la consommation, les cotisations fiscales ou les impôts fonciers, la plus grande ponction sur le revenu suffit à classer le Québec bon premier au chapitre de l'effort fiscal touchant les particuliers. Pour chaque tranche d'impôts de 100$ payés ailleurs au Canada, les Québécois en payent 114$, estiment les auteurs.

Au chapitre de l'effort fiscal exigé aux entreprises, le Québec arrive aussi au premier rang avec un score indiciel de 130,9, très loin devant l'Ontario (107,3), seule autre province au-dessus de 100.

En 2007, le Québec était, il faut le rappeler, le champion de la taxe sur le capital, la forme d'imposition jugée la plus contreproductive, de l'avis même du ministère des Finances. Cet impôt sera aboli dès l'an prochain.

«En contrepartie, Québec a porté en 2008 de 8,9% à 11,9% le taux d'imposition sur les bénéfices», rappelle en entrevue M. Godbout.

Depuis 2007, bien des changements sont apparus à la fiscalité des provinces. Il y a ainsi eu au Québec une baisse de l'impôt sur le revenu des particuliers les plus aisés et une harmonisation de la taxe de vente en Ontario et en Colombie-Britannique.

Le constat général ne change pas, pas plus que les auteurs ne remettent en question le bien-fondé des services obtenus en échange d'une ponction fiscale plus grande.

«Devant la rigidité des besoins financiers du gouvernement du Québec et considérant son plan de retour à l'équilibre budgétaire qui planifie notamment d'augmenter le taux de la TVQ de 7,5% à 9,5% en plus d'instaurer une nouvelle contribution-santé, l'utilisation accrue de chacune des assiettes fiscales demandera qu'on porte une attention particulière à l'évolution des indices d'efforts fiscaux interprovinciaux, simple question de compétitivité fiscale», concluent cependant les auteurs de l'étude.