Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Patrick Proulx, de Globevest Capital.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

C'est une semaine assez paradoxale. Au début de la semaine, l'Irlande a été obligée de recevoir un prêt de 85 milliards d'euros, ce qui est énorme. Malgré le plan de sauvetage, les taux d'intérêt sur les emprunts des pays européens ont continué de monter, pour atteindre des niveaux pratiquement inédits.

En Espagne, le taux a touché 5,48% sur les obligations de 10 ans, par rapport à 2,76% en Allemagne. C'est tout un écart! En Grèce, c'est pire: on est à 11,9%. Cela indique que l'inquiétude est palpable. Les craintes se propagent aux autres pays européens.

Puis, la Bourse est remontée, malgré cette trame de fond négative, car le reste de la semaine a été ponctué par plusieurs bonnes nouvelles: création d'emplois surprise aux États-Unis, ventes de maisons plus élevées que prévu, etc. Mais je crois que les nuages noirs sont là pour rester, et la réaction aux bonnes nouvelles m'apparaît un peu irrationnelle.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Pour nous, le VIX est l'indicateur numéro un. C'est l'indice de la volatilité des 30 prochains jours sur le S&P500, l'indice phare de la Bourse américaine. On l'appelle le baromètre de la peur. Quand le VIX est élevé, ce qui est le cas depuis un bon moment, cela indique la nervosité du marché. Inversement, quand le VIX est faible, ce qui était le cas avant la crise financière, cela correspond à une période d'optimisme et de confiance.

Cette semaine, le VIX a commencé la semaine à près de 24%, puis il a chuté abruptement à 19,5%. Quand l'indice VIX baisse, la Bourse monte. C'est un indicateur contraire. Mais en même temps, quand le VIX demeure au-dessus du niveau historique (18%), la nervosité demeure élevée, et on est capable d'obtenir des rendements intéressants en vendant des options de vente.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Nous cherchons à obtenir le meilleur rendement-risque. En ce moment, on vend des options de vente sur des actions de grandes entreprises, pour aller chercher les primes qui sont d'environ 10%, tout en ayant une protection à la baisse. En combinant ces options à des obligations de sociétés, nous cherchons à dégager un rendement de 8 à 12%, dans un marché qui pourrait faire entre -10% et +10%.

Sinon, nous allons vers des actions de sociétés bien établies (ex: Intel, BCE, Banque Royale) qui versent un dividende élevé et soutenable. On croit que l'essentiel du rendement dans les actions proviendra du dividende, étant donné qu'on est un peu plus pessimiste pour la Bourse.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

On évite toute la catégorie des actions qui ne versent pas de dividende, car on ne serait pas surpris de voir les actions progresser de 0 à 3% en moyenne, d'ici quelques années.

En deuxième lieu, on évite toutes les obligations gouvernementales de long terme. Votre rendement est plafonné à 4%, mais si un scénario de reprise ou de remontée des taux d'intérêt se dessine, vous pouvez subir une baisse de 15% ou 20%.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Nous trouvons que les marchés sous-estiment beaucoup les risques qui pèsent à moyen terme, comme l'endettement élevé des pays occidentaux, au moment même où leur population vieillit. Comment vont-ils pouvoir s'en sortir? Il faudra faire des réformes extrêmement difficiles.

Le financement des régimes de retraite et des systèmes de santé sera le grand défi du XXIe siècle. Ces deux facteurs-là vont nécessairement ralentir la croissance du PIB. Et la croissance économique est le moteur le plus important pour la Bourse. En même temps, les taux d'intérêt sont au plancher et ne peuvent que remonter, ce qui est plutôt corrosif pour les marchés boursiers.

On pense que la Bourse va stagner, tout en restant volatile. Mais on ne s'attend pas à un effondrement des marchés.