Le défi: réaliser une douzaine d'exemplaires d'un produit original, de qualité manufacturière, depuis l'idéation jusqu'à la vente.

La folie: ce programme doit être réalisé en cinq semaines.

C'est du design industriel de poche, en concentré, mais avec tous les ingrédients essentiels: le remue-méninges, la création du concept, la recherche de matériaux et procédés de fabrication, les maquettes et prototypes, la fabrication, l'emballage, l'étalage...

Les étudiants de deuxième année en design industriel à l'Université de Montréal vivent ainsi les misères (d'abord) et les joies (ensuite) de la conception d'un produit. Les 22 équipes de trois étudiants y consacreront de 350 à 400 heures de travail.

L'exercice passionne tout autant les quatre designers industriels professionnels qui guident les étudiants dans les ateliers hebdomadaires de 12 heures. Le responsable Jean-François Jacques et les tuteurs Michel Morelli, Michel Swift et Claude Mauffette y reviennent chaque année, en dépit de leur horaire chargé.

La vente des précieux objets - chacun assorti d'une garantie de 30 jours - a lieu aujourd'hui de midi à 13h, dans le pavillon de HEC Montréal. En voici quelques-uns.

Un babillard qui fait jaser

Vanessa Forget, Véronik L'Archevèque-Roy, Julie Coulombe

On perd toujours ces petites notes, ces rappels à payer une facture, ces cartes d'affaires importantes... Pourquoi pas un babillard mobile? Puis l'idée: une punaise géante, sur laquelle on piquerait les punaises normales!

Ainsi fut fait. La punaise aux stéroïdes, en mousse de polyuréthane munie d'une pointe en aluminium, mesure 30 cm de longueur.

Le plus grand défi: fabriquer le moule en mastic à voiture. «On a travaillé longtemps pour fabriquer un moule qui fonctionne parfaitement, raconte Vanessa Forget. Quand la mousse de polyuréthane prend de l'expansion, elle crée beaucoup de pression.»

Jeudi midi, neuf punaises étaient moulées. Il en restait encore trois pour terminer la douzaine. «On va en produire de toutes les couleurs: rouge, bleu, jaune, turquoise, lilas, orange...» assure Vanessa Forget.

Fine idée pour fines herbes

Mélanie Filion, Isabelle Rivard, Caroline-Kanika Sem

Les jeunes en appartement souhaitent conserver des fines herbes fraîches pendant l'hiver, mais n'ont pas le temps d'en prendre soin. Pour remplacer ces pouces verts éparpillés sur divers claviers, la fine équipe de designers en herbe a songé à utiliser le principe de la mèche, à la manière d'une lampe à l'huile.

Émergeant d'un bac d'eau, ce cordon de nylon passe au travers du fond d'un pot de fines herbes. Par capillarité, son terreau est constamment humidifié. Les deux pots sont déposés sur un coulisseau, qui glisse latéralement pour dégager le bac d'eau qu'il recouvre. Des aimants, intégrés dans le coulisseau, stabilisent les deux pots, eux-mêmes munis d'une pastille métallique à leur base.

Le système a été éprouvé: «J'ai presque une serre, chez moi, en pleine production», indique Caroline-Kanika Sem.

Lampe à chiffonner

Yannick Golay, Jean-François Beaudoin, Charlyne Lefebvre Paillé

Ils voulaient une lampe différente, modelable à volonté, un peu à la manière d'une feuille de papier d'origami.

Ils ont plutôt utilisé du Tyvek, textile non tissé de fibres de polyéthylène à haute densité. À l'oeil et au toucher, ce matériau translucide ressemble au papier, mais est pratiquement indéchirable.

La lampe est formée de deux feuilles cousues. Elles sont parcourues de coutures formant des pochettes où sont enfermés 25 petits aimants sphériques et 21 lampes électroluminescentes (LED).

La lampe se configure - se chiffonne! - à volonté, et conserve sa nouvelle forme grâce aux aimants qui interagissent.

Cette sculpture est déposée sur un socle d'acier, où ses aimants la maintiennent.

Simple? «La plus grande difficulté était de coudre tout ça d'un trait, avec une régularité dans les coutures et un motif plaisant», décrit Yannick Golay.

Assainisseur d'air au charbon actif

Kat Andreeva, Emmanuel Côté-Bédard, Amanda Dutrieux

Objectif: assainir l'air à la maison. À vue de nez, le bicarbonate de soude semblait être la meilleure piste, mais les recherches des jeunes designers les ont menés vers le charbon actif, plus efficace. Mais comment le mettre en forme de façon intéressante, le faire figer sans réduire ses propriétés?

«Notre projet de design s'est transformé en projet de chimie», relate Kat Andreeva. À force d'expériences et de mixtures, nos alchimistes ont mitonné un mélange bouilli de fécule de maïs et d'eau, auquel ils ajoutent le charbon actif, avant de mettre le tout au four dans un moule.

Pas n'importe quel moule, toutefois: ils ont créé un «X» fait d'une bande continue en acier inoxydable, sans fond, pour que l'air y circule de part en part.

L'objet de 15 cm de haut est aussi élégant et intrigant qu'utile.

Coffre à crayons... en bouchons de bouteille

Vanessa Gauthier, Jessica Locas, Maude Morneau-Paquette

Préoccupation: environnement. Les designers ont réussi à fabriquer un coffre à crayons avec des bouchons de bouteille en plastique. Ils sont ramollis au four, puis déposés dans une presse, où ils sont écrasés pour former une crêpe rectangulaire, au bord légèrement dentelé par l'irrégularité des bouchons. Cette plaque est ensuite pliée à la chaleur et soudée pour former un étui rectangulaire. Il reçoit un tiroir en polystyrène moulé par thermoformage.

C'est justement ce procédé en partie aléatoire et artisanal qui donne tout son charme au résultat: l'étui est de la couleur des bouchons sélectionnés. Des trous apparaissent lorsqu'un bouchon de couleur contrasté a été déposé à plat dans la presse, ce qui forme de petits coquelicots percés en leur centre.

«Il était difficile de distinguer les bouchons qui collent de ceux qui ne collent pas, confie Maude Morneau-Paquette. À force de les tester, on a su les distinguer.»

Un coffre à crayons en bouchons de bouteille en plastique.

Babillard «Push Pin».