Pour vendre leur garantie prolongée, les détaillants glissent parfois sous le tapis des faits importants... quand ils ne tordent pas carrément la réalité.

En septembre, David Bougoin a reçu un appel de la part d'une représentante d'Ameublements Tanguay, où il avait acheté des électroménagers en novembre dernier. À l'approche de l'échéance de la garantie de 12 mois, offerte automatiquement par le manufacturier, le détaillant lui proposait d'acheter une couverture additionnelle de trois ans, dans le cadre du programme «Service protection plus».

Or, M. Bourgoin n'est pas un client ordinaire. Avocat au cabinet BGA de Québec, il a déjà entrepris plusieurs recours collectifs découlant de problèmes de consommation, notamment dans l'univers de la téléphonie.

Et il connaît fort bien la réforme de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) qui est entrée en vigueur le 30 juin dernier. Un des objectifs de cette réforme était justement de mieux informer les consommateurs qui se font proposer une garantie prolongée.

Désormais, avant de vendre une garantie prolongée, les vendeurs sont obligés de préciser verbalement à leurs clients qu'ils sont déjà couverts par la «garantie légale». Ils doivent aussi remettre un avis écrit, suivant un modèle approuvé par l'Office de la protection du consommateur (OPC).

Au téléphone, le vendeur doit aussi informer le client de l'existence de la garantie légale, et lui transmettre l'avis écrit dans les 15 jours suivant l'achat.

Mais, au bout du fil, la représentante d'Ameublements Tanguay n'a jamais parlé de garantie légale à M. Bougoin... malgré les perches qu'il lui a tendues. «Je voulais voir si elle était formée, si elle avait un réflexe à ce-niveau-là», dit-il. Pas un mot. «Qu'une personne déléguée pour vendre des garanties n'ait même pas l'information de base, ça défie l'entendement», dit-il.

En fait, Tanguay a une équipe de 14 personnes qui sollicitent les clients pour leur vendre ou pour renouveler leur protection. Mais ces vendeuses n'ont pas encore été formées. Ce devrait être chose faite d'ici le mois de décembre, nous a dit le responsable des garanties prolongées, Daniel Leblanc.

L'été dernier, Tanguay a mis ses efforts sur le terrain. «On a 12 magasins, 500 vendeurs. Si vous allez en succursales, tous nos vendeurs sont obligés de parler de l'avis légal, et de remettre le document à tous les clients», assure-t-il.

Pour éclairer M. Bourgoin, la représentante de Tanguay lui a plutôt envoyé un pamphlet avec les modalités de la garantie prolongée.

Dans ce document, on avertit la clientèle qu'à l'issue de la garantie du manufacturier, «vous devrez prendre en charge tous les frais de pièces et main-d'oeuvre dans l'éventualité dans l'éventualité du bris de vos appareils». On ajoute même «avec certitude», qu'il en coûtera «plus de 100$ l'heure pour un technicien professionnel, sans compter le coût de remplacement des pièces».

«Pour moi, cette documentation-là, c'est de la fausse représentation, soutient Me Bourgoin. On ne peut pas induire en erreur un consommateur, pour essayer de lui vendre une garantie prolongée, en excluant carrément sa responsabilité qui découle de la Loi.»

En effet, lorsqu'un produit brise prématurément, le commerçant n'a pas le droit de s'en laver les mains. Un produit doit pouvoir «servir à un usage normal pour une durée raisonnable». C'est le principe même de la garantie légale.

«Mais la durée de la garantie légale n'est pas précise, car elle peut varier selon le prix payé, l'utilisation», nuance M. Leblanc. Il fait aussi valoir que le règlement en cour peut prendre jusqu'à deux ans, en cas de litige entre le commerçant et son client. À son avis, la garantie prolongée est donc plus simple et plus complète pour assurer le meilleur service aux consommateurs, à l'ère des produits jetables.

Mais Me Bourgoin n'achète ses arguments. «Ils proposent quelque chose d'inutile, sans donner l'heure juste aux consommateurs», dit l'avocat qui étudie sérieusement la possibilité d'entreprendre un recours contre des commerçants qui ont vendu des garanties prolongées, avant ou après le 30 juin.