Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Rochon, de Giverny Capital.



À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Il y a un vieux dicton qui dit que la Bourse escalade un «mur de peur». Quand on part d'un creux boursier, les gens ne croient plus aux actions, ils pensent que l'économie va rester en récession presque à l'infini. Puis, lentement, la Bourse reprend du poil de la bête et passe par-dessus les craintes.

C'est ce qu'on voit ces jours-ci : même s'il reste encore beaucoup de pessimisme, la Bourse a continué son petit bonhomme de chemin. Elle a surmonté les craintes d'un retour en récession, les problèmes d'endettement gouvernements, etc. Toutefois, la hausse n'est pas généralisée. Une grosse partie des capitaux va vers des actifs plus spéculatifs. Il y a encore beaucoup de titres de qualité qui restent sous-évalués.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je regarde le prix des maisons au Canada, qui me semble élevé. Quand on divise le prix des maisons par le PIB per capita, on arrive à un multiple de 8 fois, alors que la moyenne historiquement est autour de 6 fois. Soit que le prix des maisons restera stable en attendant que le PIB per capita monte. Soit qu'il y aura une baisse du prix maisons, avec un impact sur tous les secteurs reliés.

Mais ce qui me frappe le plus depuis deux ans, c'est le déficit commercial. En septembre dernier, le Canada a accusé un déficit pour un septième mois consécutif. C'est nouveau. L'an dernier, le Canada a affiché le premier déficit commercial depuis 1975. Et cette année, ce sera probablement deux fois pire : environ 9 milliards de dollars, versus 4,5 milliards l'an dernier.

Ça me dit que la hausse du dollar canadien a un impact important. Le surplus commercial face aux États-Unis a fondu de 89 milliards à 35 milliards en un an seulement. C'est majeur! Les exportations vers les États-Unis représentent 20% de l'économie canadienne.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

La force du dollar canadienne est artificielle. C'est une occasion pour acheter des actions américaines. Il y a trois secteurs qui ressortent : les financières, la santé et la technologie. Ce sont des secteurs qui ont été boudés par les investisseurs. Cela fait que les actions sont sous-évaluées. Mais il faut être sélectif.

En santé, j'aime Medtronic [[|ticker sym='MDT'|]], Johnson & Johnson [[|ticker sym='JNJ'|]], Abbott Labs [[|ticker sym='ABT '|]] et Stryker [[|ticker sym='SYK'|]], toutes d'excellentes entreprises, avec un super bilan, un bon dividende, et une action à seulement 10 ou 12 fois les profits.

En technos, on peut citer Microsoft [[|ticker sym='MSFT'|]]et Texas Instruments [[|ticker sym='TXN'|]]; et dans les financières, Wells Fargo [[|ticker sym='WFC'|]] et American Express [[|ticker sym='AXP'|]]. Encore d'autres sociétés de grande qualité à des prix très modestes.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

L'or ou les titres de sociétés aurifères. C'est ce que tout le monde veut acheter en ce moment. Quand quelque chose est très populaire et que sa valeur est très difficile à évaluer, je trouve qu'on manque d'arguments pour investir là-dedans.

Près de 13% de la Bourse canadienne dépend du secteur aurifère, dont 9% des trois plus grands producteurs d'or. Ensemble, ils produisent pour environ 17 milliards de dollars, soit à peine 1,2% du PIB canadien. Il me semble qu'il y a une grande disparité économique entre ce que la Bourse reflète, et un certain bon sens économique.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

On sous-estime le potentiel des actions. Avec le rebond, la Bourse est revenue à la normale. Mais beaucoup de titres sont encore à des niveaux très raisonnables, pour les gens qui les achètent avec un horizon de long terme. Les prochains 10 ans seront très bons. On est juste au début d'un long marché haussier.

François Rochon est président de Giverny Capital qu'il a fondé en 1998. La société montréalaise gère des actifs de 110 millions de dollars pour le compte de clients fortunés, selon une approche qui repose sur la sélection de titres de qualité pour un horizon de long terme.