On dit que tout ce qui monte redescend. Mais à la Bourse, certains produits financiers défient les lois de la gravité. Fonds distincts, billets à capital protégé, CPG boursiers : il existe différentes options pour les investisseurs qui veulent profiter de la vague des actions, sans subir de ressac. Un nouvel exemple? Les fonds Repère de Sun Life, qui vient de relancer une famille de fonds communs de placement en octobre dernier.

Les compagnies d'assurances se battent pour avoir leur place au soleil dans la gestion de patrimoine, au Canada, une lucrative industrie prise d'assaut par les grandes banques au cours des dernières décennies.

C'est ainsi que la Financière Sun Life est de retour dans le paysage des fonds communs de placement, que l'assureur avait pourtant quitté il y a huit ans. En 2002, Sun Life avait vendu ses deux familles de fonds, Spectrum et Clarica Diversico, à Placements CI, en échange d'une participation de 30% dans CI. Sun Life avait finalement revendu sa part à la Banque Scotia, pour 2,3 milliards de dollars, en 2008.

Mais voilà que Sun Life revient à la charge. À la fin d'octobre, sa nouvelle filiale Placements mondiaux Sun Life Canada a lancé une gamme de 12 fonds communs de placement. Et ce n'est qu'un début...

Cycle de vie

La nouvelle famille comportera quatre fonds Repère (Milestone en anglais), des produits moulés sur le «cycle de vie» des investisseurs.

La formule est simple : l'investisseur détermine en quelle année il aura besoin de son argent. Ensuite, il choisit le fonds qui se rapproche le plus de cette date. Le fonds investit dans un portefeuille équilibré qui sera plus audacieux si la date est éloignée, et qui deviendra graduellement plus prudent lorsque l'échéance approche.

L'objectif est d'éviter de perdre un montant significatif, juste avant d'avoir besoin de son capital.

Depuis plusieurs années, les fonds «cycle de vie» connaissent beaucoup de succès auprès des investisseurs qui cherchent un produit clé en main. De nombreuses sociétés en offrent.

Les nouveaux fonds Repère ont ceci de différent : à l'échéance, ils offrent une garantie qui est égale à la valeur mensuelle la plus élevée jamais atteinte par le fonds. Il s'agit, en quelque sorte, de fonds à cran d'arrêt, qui sécurisent leurs gains au fur et à mesure qu'ils avancent.

«C'est une garantie sur le rendement. Dans la mesure où les investisseurs conservent leur placement jusqu'à la fin, ils ne subissent plus les ressacs du marché», explique le président Rick Headrick.

Il songe même à greffer aux fonds Repère une forme de garantie de retrait minimum, comme celle qu'on retrouve avec certains fonds distincts (ex : Revenu Plus, de Manuvie) qui garantissent des revenus de retraite à vie. «Nous y pensons! Nous explorons cette avenue», avoue M. Headrick.

Selon lui, les produits comme les fonds Repère répondent à un besoin criant. «Il y a un changement fondamental dans l'appétit pour le risque des investisseurs, à cause des deux importants ressacs boursiers que nous avons vécus depuis 10 ans», dit-il. Et selon lui, les investisseurs restent nerveux. Ils se demandent : «Sommes-nous sortis de la récession, oui ou non?»

Dans ce contexte, M. Headrick estime que les produits hybrides, qui permettent de profiter de la croissance boursière tout en restant à l'abri des chutes, devraient plairent aux baby-boomers qui approchent de la retraite.

Mais ces produits peuvent aussi servir, «dans toutes les circonstances où on sait qu'on aura besoin d'argent à une date précise : pour les études des enfants, l'achat d'une maison», avance M. Headrick.

Défier la gravité

Comment Sun Life parvient-elle à défier les lois de la gravité, en offrant des fonds qui montent, sans jamais redescendre?

En fait, les fonds sont constitués d'un mélange d'obligations, de liquidité (pour assurer la protection) et de produits dérivés qui permettent d'amplifier les rendements boursiers. Le tout permet de reproduire la composition d'un portefeuille équilibré.

Cette structure a l'avantage d'être moins coûteuse que celle des fonds distincts qui offrent une garantie à l'échéance, mais qui prélèvent facilement 3% de frais par an.

Par comparaison, les fonds Repère auront des frais de gestion de 1,85% si l'échéance est plus éloignée que 5 ans car le fonds ressemble plus à un fonds d'actions; de 1,3% entre 1 et 5 ans, car le fonds sera plus orienté sur les obligations; et de 1% à moins d'un an de l'échéance, car le fonds sera alors presque un fonds de marché monétaire.

«Les fonds plaisent aux investisseurs plus conservateurs qui veulent une garantie, sans avoir à payer des frais aussi élevés que dans un fonds distinct», constate Dominic Plante, directeur en chef des produits chez IA Clarington.

En 2005, Clarington a été la première à lancer des fonds communs de placement qui garantissent la valeur la plus élevée atteinte par le fonds durant toute la période. Ses quatre fonds Clic contiennent présentement 642 millions de dollars. Au Québec, ils sont disponibles notamment par l'entremise de la Banque Laurentienne.

«Ces produits ont été très populaires en 2008, quand les marchés ont baissé. Beaucoup d'investisseurs ont vendu leurs fonds d'actions pour migrer vers ces fonds-là», raconte M. Plante.

Non seulement, les investisseurs savaient que leur valeur serait garantie à l'échéance, mais en plus ils pouvaient acheter la garantie «à escompte», à cause de la baisse de la valeur de l'unité, ajoute M. Plante.

Par exemple, le fonds Clic objectif 2030, émis à 10$ l'unité en juillet 2008 juste avant la débâcle, a plongé de près de 15% peu après sa naissance. Les investisseurs pouvaient donc l'acheter «à escompte» sachant qu'ils récupérait au moins 10$... dans 20 ans. Mais le fonds a dépassé ce niveau, le mois dernier. Clic! La valeur garantie a grimpé à 10,26$.

D'autres séries qui sont moins exposées à la Bourse demeurent à escompte. L'unité du fonds Clic objectif 2025 est à 12,16$, soit 10% en dessous de sa valeur garantie.

Toutefois, il est peu probable que la garantie finisse par s'appliquer, car les fonds sont conçus pour progresser de façon très stable, et pour réduire considérablement leur présence à la Bourse au cours des dernières années.

D'ailleurs, le fonds Clic Objectif 2010, celui qui était le plus près de son échéance lorsque la crise du crédit a éclaté, a livré un rendement positif ("1,9%) en 2008, alors que les Bourses s'effondraient, se classant en tête de la catégorie des fonds à échéancier 2010.

L'unité qui avait été émise à 10$, en 2005, a atteint 11,29$, en juillet 2009, sa valeur mensuelle la plus élevée. Ce montant a été remis aux investisseurs plus vite que prévu, soit en septembre 2009, car le potentiel de rendement était devenu quasi nul.

Ce n'est donc pas la garantie qui a protégé les investisseurs, mais plutôt l'extrême prudence de la répartition d'actifs.

Des fonds communs à cran d'arrêt

Sun Life, Fonds Repère

> Échéance : 2020, 2025, 2030 et 2035

> Frais de gestion : 1,85% (à plus de 5 ans de l'échéance), 1,30% (entre 1 an et 5 ans), 1% (1 an moins)

IA Clarington, Fond Clic objectif

> Échéance : 2015, 2020, 2025 et 2030

> Frais de gestion : 2,6% (à plus de 15 ans de l'échéance), 2,35% (10 à 15 ans), 2,3% (5 à 10 ans), 1,9% (1 à 5 ans), 1,15% (1 an et moins)