«Après de nombreuses années chez le même employeur, j'ai été congédiée, déplore Jocelyne. J'ai eu 61 ans en octobre et je me demande si je serai capable de trouver un autre travail et au même salaire.»

Elle reçoit une indemnité d'un an de salaire, mais elle ne bénéficiait d'aucun régime de retraite. Elle ne peut compter que sur ses économies, qu'elle espérait encore accroître et faire fructifier avant sa retraite.

Elle détient 135 000$ en REER, 10 000$ en CELI et 50 000$ en épargnes non enregistrées. Seule depuis 25 ans, elle possède une maison d'une valeur de 200 000$, qu'elle veut conserver le plus longtemps possible.

Elle touchait environ 40 000$ par année. «On dit toujours que pour avoir une belle retraite, il faut 70% de notre salaire. Je sais que j'en suis incapable même si je continue de travailler jusqu'à 65 ans. Je suis une personne qui a toujours fait un budget et qui n'est pas une grande consommatrice.»

Elle estime ses besoins annuels entre 20 000$ et 24 000$. Dans l'hypothèse - vraisemblable - où elle ne trouve pas d'emploi, pourra-t-elle y parvenir?

La solution classique

Le planificateur financier Martin Dupras fait d'entrée un constat surprenant: le congédiement de Jocelyne n'aura qu'un impact financier limité sur sa retraite. Âgée de 61 ans, Jocelyne aurait sans doute pris une retraite partielle ou complète à plus ou moins brève échéance.

En outre, le choc est atténué par l'année de salaire qu'on lui verse, ce qui l'amène à 62 ans. Au terme de ces paiements, elle devrait avoir droit à l'assurance chômage, qui lui verserait environ 425$ par semaine pendant 45 semaines, soit quelque 19 000$. Voilà qui l'approche de 63 ans. «Attention, précise le planificateur, la retraite ne sera pas nécessairement à son goût, mais le congédiement n'aura, somme toute, que peu d'impact financier sur celle-ci.»

Comment se présentera-t-elle, cette retraite? Pour l'estimer, Martin Dupras, sur la base des Normes d'hypothèses de projection de l'Institut de planification financière du Québec, retient un rendement annuel de 3,75% sur un portefeuille très conservateur. Il suppose que le décaissement de ses épargnes s'étendra sur 35 ans, ce qui mènera Jocelyne à un âge qu'elle n'aura que 25% de probabilité de dépasser.

Notre planificateur fait d'abord une analyse traditionnelle.

En 2011, vraisemblablement la dernière année où elle touchera des revenus importants, Jocelyne serait encore en mesure de cotiser 20 000$ à son REER. Elle attendrait à 63 ans, en 2013, pour demander la rente de la RRQ, estimée alors à 7000$ par année, question de ne pas amputer les prestations d'assurance chômage qu'elle toucherait en 2012.

En épuisant ses actifs non enregistrés, elle serait en mesure de maintenir jusqu'à 65 ans le train de vie souhaité de 24 000$ par année.

Elle n'entamerait son REER qu'à 65 ans, moment auquel celui-ci contiendrait 180 000$. Elle pourrait en tirer 7200$, avec indexation à 2,25%, jusqu'à 96 ans. À 65 ans, cette stratégie lui procurerait un revenu net annuel de 19 600$ en dollars d'aujourd'hui, dont 700$ en Supplément de revenu garanti. «Elle peine à atteindre son objectif de revenu», observe Martin Dupras. C'est pourquoi il propose une autre avenue.

Réaménagement des actifs

Dans une seconde stratégie, notre conseiller suppose que Jocelyne retire la totalité de ses REER avant 65 ans. «Retirés mais non dépensés!» précise-t-il. Elle ferait des retraits annuels successifs de 15 000$, 30 000$, 45 000$ et 45 000$.

Bien sûr, elle devra payer des impôts sur chacun de ces retraits. Mais il y a un bénéfice: les calculs du planificateur montrent qu'après 65 ans, pour chaque dollar de revenu qu'elle ne décaisse plus d'un REER, tirant plutôt ses revenus de comptes hors REER, Jocelyne voit son Supplément de revenu garanti augmenter de 50¢.

Martin Dupras propose en outre que Jocelyne touche sa rente de la RRQ dès 62 ans, laquelle vaudra 6500$ plutôt que 7000$ si elle attendait à 63 ans. Il s'ensuivrait une légère baisse de ses prestations d'assurance chômage, fixées à 18 000$ plutôt qu'à 19 000$, mais qui serait elle aussi compensée par un accroissement de la SRG.

Si elle maintient avant 65 ans le même coût de vie de 24 000$ que dans l'hypothèse précédente, Jocelyne serait en mesure d'économiser suffisamment pour reconstituer des économies totalisant 136 000$ à 65 ans, autant que possible en CELI et pour le reste en épargnes non enregistrées. Cette somme pourrait lui fournir un revenu annuel indexé de 5400$ jusqu'à 96 ans.

Estimons ses revenus à partir de 65 ans, toujours en dollars d'aujourd'hui. La RRQ (6500$) et la PSV (6200$) lui procureraient un revenu imposable de 12 700$, sur lequel l'impôt serait négligeable. On l'a vu, ses épargnes y ajoutent 5400$. Mais surtout, le SRG passe de 700$ à 4500$, pour un revenu net de 22 600$.

Avec cette stratégie, ses revenus après 65 ans augmentent de 3000$ par année!

«Le système permet de réaménager les actifs, conclut Martin Dupras. Pour Jocelyne, il serait déraisonnable de ne pas le faire.»