Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Marc St-Pierre, des Fonds Dynamique.



Quel est l'élément le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Les pressions continues du secrétaire au Trésor américain Tim Geithner sur la Chine pour la réévaluation du yuan, que l'administration américaine juge sous-évalué. Les Américains blâment la Chine pour son énorme déficit commercial. Mais ce n'est pas la faute de la Chine si le pays peut produire à moindre coût et que les consommateurs américains y trouvent leur compte.

Les Américains doivent aussi considérer que les achats massifs d'obligations américaines par la Chine ont maintenu les taux d'intérêt faibles aux États-Unis. Si les Chinois décidaient de bouder les titres américains, les taux remonteraient avec des effets très négatifs sur l'économie américaine et, par ricochet, sur le marché boursier. Les Américains auraient avantage à être gentils avec leur banquier...

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je surveille l'évolution des taux obligataires dans la zone euro, surtout dans les pays les plus endettés. La crise financière de 2008 et la Grande Récession qui s'en est suivie ont obligé la plupart des gouvernements à intervenir pour sauver leur système bancaire, de sorte que leurs déficits atteignent des niveaux insoutenables. Les États doivent mettre de l'ordre dans leurs finances. Il faut donc s'attendre à un ralentissement de la croissance en 2011 dans les pays les plus touchés, soit la Grèce, le Portugal, l'Espagne et l'Irlande. Et est-ce que la France et l'Allemagne ne risquent pas d'en souffrir à moyen terme?

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je demeurerais prudent, surtout après la belle performance récente des principales Bourses. Les effets des programmes de relance commencent à s'estomper, surtout aux États-Unis, et les investisseurs font preuve d'un peu trop d'optimisme en espérant que les autorités monétaires soient capables de donner un second souffle à l'économie.

Je garderais 25% en encaisse, 25% en obligations gouvernementales et corporatives de très bonne qualité échéant dans moins de 3 ans, 25% en actions canadiennes (façon indirecte de profiter de la croissance de la Chine et de sa demande de ressources naturelles) et 25% dans le marché boursier américain, mais avec un biais vers les secteurs de croissance comme les technologies de l'information et les soins de santé qui sont fortement sous-représentés à la Bourse canadienne.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'éviterais les obligations émises par certains pays européens et ce, en dépit de taux d'intérêt élevés par rapport aux obligations gouvernementales allemandes. Par exemple, les obligations irlandaises à 10 ans se transigent à 4% au-dessus des titres allemands et les obligations grecques à près de 7% au-dessus. Le niveau d'endettement de ces pays va les forcer à couper dans leurs dépenses, réduire leur masse salariale et taxer davantage, ce qui va réduire la croissance. Or, une croissance plus faible va se traduire par des entrées fiscales moindres. Et des taux d'intérêt plus élevés vont également accroître les coûts de la dette. Il n'est pas exclu que certains pays fassent faillite, leur taux de croissance n'étant pas suffisant pour leur permettre de faire face à leurs engagements.

Quel est l'élément négatif que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les investisseurs surestiment l'impact que peut avoir la Réserve Fédérale américaine avec son programme d'assouplissement quantitatif et ils sous-estiment les risques de resserrement de crédit en Chine. La Fed veut maintenir les taux d'intérêt bas pour ne pas empirer le marasme du secteur immobilier, mais ce faisant, elle force les investisseurs à regarder ailleurs pour obtenir des rendements intéressants.

Les réajustements de portefeuille ont donc favorisé les marchés émergents et leurs devises ainsi que les ressources naturelles et l'or. La Chine, dont l'économie est fortement tributaire de ses exportations, essaie de limiter l'appréciation de sa monnaie et se retrouve aux prises avec des pressions inflationnistes et une bulle immobilière, ce qui pourrait se traduire à brève échéance par un resserrement des conditions de crédit, resserrement amorcé timidement il y a quelques semaines par une augmentation de 0,25% des taux administrés.

Marc St-Pierre est vice-président principal chez Dynamique, une des plus grandes famille de fonds communs au Canada, avec près de 30 milliards sous gestion. Fort de 35 ans d'expérience comme gestionnaire, stratège et économiste, M. St-Pierre veille à la sélection des gestionnaires indépendants du programme Marquis qui renferme plus de deux milliards de dollars.