Il n'y a que Michel Dallaire pour associer pot de yogourt à sensualité et plaisir.

À la suggestion de l'agence de publicité Bos, Aliments Ultima a confié au designer le mandat de «débanaliser» son pot de yogourt Yoplait, dans un nouveau format de 650 grammes. La chef de marque Line Leclair lui a demandé ce que faisait un designer industriel. «Sa tâche, c'est de s'occuper du plaisir», lui a répondu Dallaire, avec sa truculence coutumière. «De toute la notion de plaisir autour d'un produit: le plaisir de le regarder, le plaisir de le prendre, de le caresser.»

On lui a tout de même donné des critères de performance plus objectifs: le nouveau pot devrait montrer au moins la même surface graphique que le précédent contenant et respecter toutes les contraintes de transport par palette. Surtout, il lui fallait se distinguer, «s'éloigner du cône, qui est la forme la plus simple pour le remplissage», décrit Dallaire.

Avec son collègue Dominique Arbour, il a dessiné un contenant oblong à son sommet, mais dont les flancs se creusent graduellement vers le bas, jusqu'à sa base au profil d'arachide.

Ce sont ces renfoncements qui fondent l'émotion et expriment la touche de Dallaire. «Là où on a séduit les consommateurs, c'est dans la qualité de la préhension du pot, même pour les personnes âgées ou souffrant d'arthrite», décrit-il. La main s'enroule sur le côté arrondi du contenant, tandis que les doigts et le pouce se logent de part et d'autre dans les dépressions. «Et il y a un plaisir tactile, en plus, insiste le designer. Ce plaisir se mémorise et fidélise la clientèle.»

Le contenant a aussi apporté de belles sensations sur le plan marketing. Sur la tablette, les contenants s'alignent en pavés, sans besoin d'être orientés comme les contenants cylindriques. L'entière surface du contenant se trouve imprimée, grâce à une étiquette appliquée dans le moule avant l'injection.

«Ce projet n'aurait pas été possible s'il n'y avait pas eu autour de la table des ingénieurs en mécanisation intelligents, qui étaient capables de trouver des solutions à toutes les contraintes qu'on leur imposait, constate Michel Dallaire. Par exemple, installer à la même vitesse des couvercles oblongs plutôt que circulaires. Des problèmes énormes!» Et résolus.

Le contenant Yoplait a remporté en juin le prix de l'emballage innovateur du Conseil canadien des distributeurs en alimentation.

Un yogourt à poigne

Autre yogourt, autre public, autre approche. Ici, pas question de douceur ni de délicate préhension. On empoigne, on écrase et on aspire à pleine bouche le yogourt qu'on exprime du contenant.

Plaisirs d'enfants - de préadolescents plus précisément, le public cible du nouveau yogourt Danone Crush.

Le contenant a été mis au point pour la firme EverEdge IP par l'ingénieur mécanique néo-zélandais Edward Scott. Lors d'un souper entre amis, il a vu un enfant prendre un petit pot de yogourt et l'écraser pour en faire jaillir le contenu sans cuillère. Là-dessus, la lumière a jailli elle aussi et Edward Scott a conçu un contenant aisément compressible, qui s'aplatit sur des deux tiers inférieurs. Deux parois opposées sont parcourues de plis qui agissent comme un soufflet.

La mise au point pour la fabrication par thermoformage a fait l'objet de nombreux tests au service de recherche et développement de Danone Canada, à Boucherville. Car pour bien se replier, la paroi doit être très mince, elle est donc plus délicate à mettre en oeuvre. EverEdge IP soutient d'ailleurs que ce contenant contient 25% de moins de plastique qu'un contenant ordinaire.

Pour le marché canadien, Danone Canada a créé avec Crush une marque spécialement pour préados - une clientèle difficile. «Le produit risque d'être caractérisé «bébé» ou «pas cool» «, décrit Anne-Julie Maltais, chef des communications pour Danone Canada. «Il faut que ce soit un brin irrévérencieux.»

La conception du logo et du graphisme a été confiée à la firme Pigeon* branding " design. Elle a proposé un fond bleu nuit, des giclées de couleurs vives et un logo Crush gélatineux, comprimé par deux mains blanches.

Un contenant en soufflet doit certainement retenir plus de yogourt dans ses parois qu'un petit pot ordinaire récuré à la cuillère: quel est le pourcentage de perte? «C'est minime, pratiquement la même perte qu'un contenant régulier», assure Anne-Julie Maltais.

Payant de notre personne, nous avons fait le test devant des collègues rigolards. Des dépôts demeurent au fond et dans les replis du contenant (sans parler du visage...), plus ou moins importants selon la pression exercée sur le contenant.

Mais quel préado s'en soucie...

Un pot de yogourt qui se saisit aisément et avec plaisir, grâce à ses formes arrondies et ses dépressions centrales. Un concept simple en apparence, mais qui entraîne de nombreux problèmes à régler pour la production.

Autre produit, autre public, autre innovation: le contenant se comprime comme un soufflet pour extraire le yogourt qui s'aspire à la bouche sans cuillère. Une ingénieuse performance mécanique (le contenant, bien sûr).