Âgés de 26 ans, Philippe et Mélissa sont bien engagés sur la voie professionnelle, mais prudemment, ils veulent voir loin devant eux.

Chacun gagne environ 55 000 $. Habitant en région et sans enfants, ils se sont procuré l'été dernier une maison au prix de 140 000 $. Le solde hypothécaire de 135 000 $, amorti sur 25 ans, impose des mensualités de 605 $.

« Nous réussissons à boucler notre budget avec environ 1500$ à mettre de côté par mois pour le long terme, expriment-ils. Nous sommes incertains quant au meilleur usage de cet argent. »

Ils hésitent entre le remboursement accéléré de l'hypothèque, la cotisation au CELI ou au REER, ou encore faire des placements non enregistrés.

« Alors que certaines personnes nous recommandent de mettre tout en REER, d'autres nous avisent que trop de REER coupe certaines rentes gouvernementales, une fois à la retraite... »

Profiter de la vie...

Ah !, les légendes urbaines...

Le planificateur financier Raphaël Hainault, de la Financière des professionnels, rappelle d'abord que la rente de la Régie des rentes du Québec n'est pas affectée par le revenu de retraite des prestataires. Elle sera fixée en regard du nombre d'années de cotisation, du montant des cotisations effectuées, et de l'âge auquel elle commence à être touchée.

Des deux programmes fédéraux, le premier ne les concerne pas : le Supplément de revenu garanti (SRG) est destiné aux retraités à faibles revenus. Présentement, aucun SRG n'est versé aux couples dont les revenus sont supérieurs à 20 880 $, ce qui disqualifiera certainement Philippe et Mélissa.

Le second programme, la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), décroît pour sa part quand les revenus du prestataire dépassent 66 733 $ - le calcul est individuel. Un remboursement de 0,15 $ par dollar excédant ce palier s'applique alors.

Sera-ce le cas pour notre couple ?

Pour se projeter dans ce lointain avenir, Raphaël Hainault a fait quelques hypothèses. « Compte tenu des revenus, de l'impôt, des cotisations gouvernementales, des cotisations au REER collectif et du fait que le couple est en mesure d'épargner 1 500 $ par mois, j'estime leur coût de la vie à 51 000 $ par année, indique-t-il d'abord. À cela s'ajoute environ 7257 $ par année de paiements hypothécaires, pour un total de 58 257 $. »

Il pose en principe qu'ils maintiendront ce coût de vie de 51 000 $ durant leur retraite, avec un ajustement à l'inflation. Il applique aux épargnes un rendement de 5,5 % jusqu'à la retraite, et de 4,75 % ensuite.

Dans ces conditions, Philippe et Mélissa pourraient prendre leur retraite à 60 ans sans que leur capital diminue !

En fait, leur rythme d'épargne actuel est tel qu'à 72 ans, quand ils auront l'obligation de faire des retraits de leur FERR, ils pourraient avoir des revenus plus élevés qu'actuellement. Peut-être devront-ils alors rembourser une partie de leurs PSV.

« Cela signifie en fait que le couple pourrait desserrer un peu les cordons de sa bourse, à moins d'avoir des projets spéciaux ou vouloir une retraite plus hâtive », observe notre planificateur.

Si on suppose qu'une fois la maison payée, le couple consacrera la mensualité hypothécaire à l'épargne, le couple pourrait en fait soutenir dès maintenant un train de vie de 60 000 $ par année, hypothèque exclue. « Ce scénario tient compte du fait que les épargnes seraient accumulées totalement en REER afin de bénéficier de la déduction fiscale », précise notre conseiller.

Que faire, donc, avec cette épargne ? Première étape, constituer un fonds d'urgence pour palier aux imprévus. En regard de dépenses totales excédant 60 000 $, Raphaël Hainault recommande de mettre de côté 15 000 $ en placements aisément accessibles, dans un CELI par exemple.

La cotisation au REER occupe le second rang de l'ordre de priorité. Avec leur taux marginal d'imposition de 38,2 %, les deux conjoints peuvent récupérer 0,38 $ d'impôt sur chaque dollar investi en REER. Le couple pourra les verser dans un CELI ou les appliquer au remboursement de l'hypothèque, augmentant ainsi de 40 % sa capacité d'épargne annuelle.

Une fois les droits de cotisation au REER comblés, faut-il se consacrer au remboursement de l'hypothèque ou au CELI ? Raphaël Hainault suggère ce dernier, « en raison des facteurs économiques actuels et de la tolérance élevée au risque du couple ». Le potentiel de rendement boursier à long terme est en effet supérieur au taux d'intérêt actuel de l'emprunt hypothécaire, dit-il. Le couple doit cependant avoir conscience du risque de cette stratégie et de l'importance d'une perspective à long terme.

Le remboursement anticipé de l'hypothèque viendra ensuite, en tenant compte des limitations imposées par le contrat de prêt. Les placements non enregistrés arrivent en queue de liste : ils n'apportent aucune déduction fiscale et leur rendement est imposable.