Anne-Marie, fille unique de Denise et Maurice, est inquiète. Ses parents, âgée de 72 et 73 ans, ont vu leur relation se dégrader ces derniers temps.

Maurice est atteint depuis une dizaine d'année d'un trouble bipolaire qui entraîne des variations d'humeur «pas faciles à vivre», exprime Anne-Marie.

Or, Denise et Maurice ont récemment vendu leur résidence, où ils vivaient depuis toujours en milieu rural, pour se procurer une copropriété «près de tous les services», comme le veut la formule immobilière consacrée.

«Dans cet espace plus restreint, les tensions montent», observe Anne-Marie.

Si Maurice s'y trouve très heureux, Denise regrette son ancien milieu.

«Depuis, la discorde est au rendez-vous et ma mère souhaite se séparer de mon père, décrit Anne-Marie. Mon père souhaiterait demeurer dans le condo actuel et ma mère aimerait en acheter un d'environ 225 000$; elle voudrait aussi avoir une petite voiture.»

Un projet réalisable, s'enquiert-elle?

L'achat d'un condo

Le projet de Denise se heurte à ses moyens limités. N'ayant pas travaillé depuis 1965, elle ne touche aucune rente de la Régie des rentes du Québec (RRQ). Comme seul revenu direct, elle ne reçoit que la pension mensuelle de la PSV, à raison de 530$ par mois. Elle a toutefois hérité récemment d'une somme de 16 000$.

De son côté, Maurice n'avait pas de régime de retraite avec son employeur, mais, à l'instigation de sa fille, il a régulièrement contribué à son REER. Transformé en FERR en 2008, il contient 390 000$. En se basant sur l'âge de Denise, le retrait minimum en 2010 est fixé à 28 782$.

Maurice reçoit en outre une rente indexée de la RRQ d'environ 500$, plus sa pension mensuelle de la Sécurité de la vieillesse de 530$.

«Si l'on tient compte des revenus d'intérêt sur leurs placements non enregistrés, ils gagnent tout près de 50 000$ annuellement», estime Pierre Renaud, planificateur financier principal (Québec) du Groupe Scotia.

Outre leur copropriété de 265 000$, le couple détient des liquidités de 50 000$ dans un compte conjoint et des placements garantis de 72 000$.

Réglons la question de la voiture: Denise pourra se la procurer en utilisant les 16 000$ de son héritage.

Pour son condo, ça se complique. Le financement hypothécaire ordinaire est exclu, car Denise ne pourra montrer des revenus suffisants. Il lui faudra donc utiliser l'avoir net du condo actuel pour soutenir l'achat de la nouvelle propriété. «Sans l'approbation de son conjoint, souligne cependant Pierre Renaud, il devient impossible pour Denise de supporter l'emprunt nécessaire à l'achat du condo.»

Avec cet accord, Denise pourrait emprunter jusqu'à 80% de la valeur de leur condo actuel, soit 212 000$. Les 13 000$ manquants, plus 15 000$ pour les meubles et l'aménagement, proviendraient de leur compte conjoint.

Denise pourrait opter pour une marge hypothécaire amortie sur 30 ans. En ne versant que les intérêts, au taux actuel, la mensualité minimale serait de 707$. Mais une hausse du taux d'intérêts de 2% porterait la mensualité à 1060$. Denise serait aussi soumise à la tentation de reporter indéfiniment le remboursement du capital.

Non, Pierre Renaud privilégie plutôt une hypothèque standard. Avec un taux fixe de cinq ans à 4% d'intérêt, le remboursement du capital et des intérêts lui coûterait 1020$ par mois.

Les questions budgétaires

Plutôt qu'attendre un éventuel jugement de séparation de corps ou de divorce qui provoquerait le partage du patrimoine familial, posons l'hypothèse d'un partage immédiat et de bon gré des revenus du couple.

Après impôt, le revenu mensuel combiné du couple est de 3500$. Leur budget génère présentement un surplus mensuel de 250$. Le nouveau condo ajouterait une mensualité hypothécaire de 1020$ et des charges de copropriété de 430$, soit une ponction supplémentaire de 1450$. L'épargne de 250$ se transformerait alors en déficit mensuel de 1200$.

À ce rythme, en supposant un rendement de 3,25% et une inflation de 2,5%, le compte bancaire et les placements non enregistrés seraient épuisés en 2017. C'est le FERR qui subirait ensuite le choc, au point de se vider à son tour cinq ans plus tard, quand Maurice aurait atteint 85 ans. Resterait les deux condos, d'une valeur de 665 000$, et un solde d'emprunt de 155 000$.

Le planificateur suggère plutôt à Denise de louer un appartement. «Ainsi, le couple réduirait les risques associés au taux d'intérêt, aux fluctuations du marché immobilier et aux contraintes budgétaires», observe-t-il.

Cette mesure temporaire aurait aussi l'avantage d'apparaître moins expéditive et définitive aux yeux de Maurice. Car, dans ce programme, il demeure encore une toute petite inconnue: «Nous ne sommes pas du tout assurés de la collaboration de Maurice à ce projet dont il ignore encore l'existence!»

La situation

Les parents d'Anne-Marie, tous deux âgés de plus de 70 ans, ont récemment emménagé dans un condo, où les sautes d'humeur de Maurice indisposent de plus en plus sa conjointe. Denise souhaite déménager dans un condo à elle et se procurer une voiture.

«Nous aimerions savoir s'il leur est possible de maintenir une certaine qualité de vie tout en vivant séparément.» - Anne-Marie

Les données

Denise, retraitée

Âge: 72 ans

Revenu mensuel: Pension de la sécurité de vieillesse

Héritage récent: 16 000$

Maurice 73 ans

Revenus: RRQ et Pension de la sécurité de la vieillesse

FERR: 390 000$

Liquidités: 50 000$ (compte conjoint)

Placements garantis: 72 000$ Résidence principale: 265 000$

Aucune dette

La recommandation

Malgré ses revenus limités, Denise pourrait s'acheter une copropriété de 225 000$ en la garantissant avec l'avoir net de leur condo actuel. Mais les revenus combinés des conjoints sont insuffisants pour soutenir ces deux résidences jusqu'à leur décès.

«Maurice devra être en accord avec le projet, puisque la résidence est la propriété conjointe du couple! À plus long terme, ce n'est pas une situation budgétaire idéale à vivre pendant la retraite.»