Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Stéphane Gagnon, de la Financière des professionnels.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Du côté boursier, c'est la poursuite du «rallye» qu'on a début le début du mois. Nous avons eu le mois de septembre le plus fort depuis bon nombre d'années (aux États-Unis, le S&P500 a gagné 8,8% et le Nasdaq 12%; au Canada, le S&P/TSX composé a gagné 3,8%).

Pour nous, ça confirme que la prime de risque dans le marché boursier était beaucoup trop élevée. Il y avait un écart définitivement trop grand entre le rendement des obligations de sociétés 10 ans et le rendement des actions (ce rendement correspond aux bénéfice par action divisé par le cours, exprimé en pourcentage. Il est en quelque sorte l'inverse du ratio cours/bénéfices). L'écart était passé de 1,3% en mai, à 2,2% en août dernier. C'était clairement hors norme. Il devait y avoir une reprise.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je surveille les indicateurs précurseurs, dont l'ISM, dans les trois principales régions : aux États-Unis, en Chine et en Europe. En Chine, les derniers chiffres sont sortis un peu à la hausse, alors qu'on avait des craintes que l'économie s'essouffle à cause d'un ralentissement dans le secteur de la construction.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je demeure plus favorable aux actions, car je crois que le marché obligataire est risqué. Je recherche des actions de sociétés qui versent un dividende élevé, mais qui ont un ratio de distribution assez bas (idéalement, des sociétés qui ne remettent pas plus que 30% de leurs bénéfices en dividendes, ce qui leur laisse plus de marge de manoeuvre).

Prenez une société comme le CN (CNR, 65,80$). Elle augmente son dividende bon an mal an. Son dividende procure un rendement de 1,6%. Son ratio de distribution est inférieur à 30%. Et ses flux financiers lui permettent de racheter constamment ses actions.

D'un point de vue sectoriel, on pense que le secteur de l'énergie n'a pas assez participé au récent rallye. Avec les craintes de ralentissement économique en Europe et aux États-Unis, beaucoup de gestionnaires ont acheté des sociétés aurifères, tout en misant sur la baisse des sociétés pétrolières. Leur stratégie a fonctionné. Mais, aujourd'hui, on croit que les choses vont se renverser. Des titres comme Suncor Énergie (SU, 33,84$) ou Canadien Natural Resources (CNQ, 36,54$) sont trop sous-évalués.

Même si ce n'est pas une aubaine, les banques canadiennes restent attrayantes : la croissance des prêts et la qualité du crédit se sont améliorées. Et on sait que les banques pourront augmenter leurs dividendes dès que les nouvelles normes de capitalisation seront établies officiellement.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

On est très prudents avec les sociétés qui sont plus actives dans le gaz naturel. L'arrivée de nouvelles technologies de forage horizontal qui permettent de fractionner la roche pour aller chercher le gaz de schiste, a fait augmenter significativement les réserves en Amérique du Nord. Si ce n'avait été de l'été très chaud, le prix du gaz se serait écroulé.

Aussi, nous sommes hésitants face aux télécommunications. Le secteur a trop bien fait à cause de l'appétit des investisseurs pour les dividendes élevés. C'est un secteur où il va y avoir beaucoup de concurrence. Ce qui les a sauvées, jusqu'ici, c'est l'arrivée des téléphones intelligents.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement? Les marchés sous-estiment l'inflation ou, plus précisément, ils surestiment la désinflation. On sait que le prix des denrées alimentaires a monté beaucoup. Notre approvisionnement en biens de consommation dépend de la Chine et d'autres pays asiatiques. Et on voit qu'il commence à y avoir de l'inflation dans les salaires. Les travailleurs sont très revendicateurs. En plus, le gouvernement américain souhaite qu'ils réévaluent leur devise. Ultimement, ça va se refléter dans le prix des vêtements et d'autres produits. Ils vont exporter leur inflation. À notre point de vue, cela rend le marché obligataire vulnérable.

Stéphane Gagnon agit à titre gestionnaire principal d'actions canadiennes à la Financière des professionnels, dont il a joint les rangs en 2005. Fondée en 1978, la Financière gère près de deux milliards de dollars pour 8500 clients qui sont membres d'ordres professionnelles (médecins, dentistes, pharmaciens, notaires, etc.)