Vous avez peur de manquer d'argent à la retraite? Détrompez-vous. Vous vous en tirerez peut-être mieux que vous le pensez. «Une importante cohorte de la population canadienne épargne beaucoup trop», soutient même Morneau Sobeco.

Bon nombre de Canadiens ont tendance à surestimer les revenus dont ils auront besoin à la retraite, tout en sous-estimant les actifs à leur disposition. Ainsi, la crise de la retraite est exagérée, affirme Fred Vettese, actuaire en chef de la firme de consultants en ressources humaines, dans une étude publiée hier.

Des dépenses en moins

Selon lui, les Canadiens n'auront pas besoin de 70% de leurs revenus à la retraite, comme le veut la règle générale, mais seulement 50%. Par exemple, une famille de deux adultes et deux enfants qui dispose d'un revenu annuel de 100 000$ pourrait vivre avec des revenus de retraite de 50 000$, sans altérer sa qualité de vie.

C'est qu'une fois à la retraite, une foule de dépenses disparaissent: les cotisations à la Régie des rentes du Québec et à l'assurance emploi (2000$), l'épargne-retraite à raison de 9% du salaire brut (4900$), les dépenses liées à l'emploi, comme les vêtements et le transport (4000$).

À cela il faut ajouter les versements hypothécaires (20 000$). Le chiffre semble élevé, mais il correspond aux paiements pour une hypothèque de 300 000$ amortie sur 25 ans, à un taux d'intérêt de 5%.

Enfin, il faut ajouter 18 000$ de dépenses liées aux enfants, en se fondant sur une étude de l'Institut Vanier qui démontre qu'il faut 9000$ par année pour élever un enfant, sans tenir compte de l'école privée et des camps de vacances.

Au bout du compte, c'est presque 49 000$ de dépenses annuelles que le ménage n'aura plus à subir à la retraite... si les enfants ont quitté le foyer et si la maison est payée en entier. À la retraite, le couple pourrait donc vivre avec des revenus de seulement 51 000$.

Trop ou pas assez?

Cela fait dire à Morneau Sobeco que les travailleurs qui disposent d'un régime de retraite à prestations déterminées profiteront d'un «mode de vie beaucoup plus élevé à la retraite».

C'est le cas des employés de la fonction publique et de plusieurs grandes entreprises, dont le régime de retraite fournit l'équivalent de 70% du salaire final, aux employés qui ont cotisé pendant 35 ans.

«Mais ce n'est pas le cas de tout le monde! Le point de vue de Morneau Sobeco est très restrictif», s'indigne Francine Beaulieu, vice-présidente de Question Retraite, organisme voué à l'éducation sur la planification de la retraite.

Morneau Sobeco offre le point de vue des grandes sociétés qui forment sa clientèle. Mais au Québec, on dénombre 100 000 PME qui n'offrent aucune forme de régime de retraite à leurs employés, souligne-t-elle. Les travailleurs ne peuvent compter que sur les gouvernements et sur le REER.

Justement, en visant 50% au lieu de 70%, la retraite sera plus accessible pour les gens qui financent eux-mêmes leurs vieux jours. Les Canadiens qui ont épargné 9% de leur salaire, pendant 35 ans de carrière, pourront prendre leur retraite à 62 ans, estime Morneau Sobeco.

«En général, je ne pense pas que les Canadiens épargnent autant, admet M. Vettesse. Mais ils trouveront quand même le moyen de s'en sortir.» Dans leur planification de retraite, les Canadiens oublient qu'ils pourront peut-être compter sur la vente de leur résidence ou de leur chalet, ou, sur un héritage, fait-il valoir.

Rien pour calmer ses détracteurs. «On pense que c'est irresponsable de laisser sous-entendre que les gens épargnent trop, alors qu'un grand nombre d'études prouvent tout à fait le contraire», assure Mme Beaulieu.

En effet, le Groupe de travail sur la littératie financière, créé par Ottawa, a brossé un tableau sombre de la situation financière des Canadiens. Peu d'entre eux ont un plan en vue de la retraite (15% chez les moins de 45 ans, 25% chez les plus âgés). Moins du tiers des contribuables cotisent au REER.