Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Bourdon, de Fiera Sceptre.



À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?



C'est la baisse du marché obligataire canadien qui a perdu environ 1% depuis le début de septembre, alors qu'il avait gagné 4,5% en cinq mois. Ce sont surtout les obligations à court terme qui ont été frappées, à cause de la hausse du taux directeur qui n'était pas complètement anticipée (ndrl: le taux est passé de 0,75% à 1% cette semaine) et du ton relativement ferme de la Banque du Canada.

Les investisseurs croyaient que le Canada subirait les contrecoups des États-Unis. Mais au Canada, les consommateurs vont dans les centres d'achats, ils achètent des maisons. La dynamique est complètement différente des États-Unis.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

La clé, pour nous, c'est le consommateur américain. C'est là où ça va se jouer. Généralement, la consommation se fait par l'entremise des importations. Alors, il faut surveiller le compte courant américain. La balance commerciale chinoise est aussi un indicateur important, car les exportations chinoises reflètent la santé du consommateur américain. Aussi, les conteneurs en partance de l'Asie qui sont en direction du port de Long Beach, en Californie, donnent la mesure des biens vendus aux États-Unis.

Pour l'instant, tous ces indicateurs ne démontrent pas un ralentissement de la consommation aux États-Unis, ce qui nous permet d'être optimistes. S'il y avait une défaillance, à ce niveau-là, il faudrait agir rapidement.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je suggère trois fonds négociés en Bourse (FNB) inscrits aux États-Unis, parce qu'on croit que le dollar américain va s'apprécier.

viShares 3-7 yr Tr. Bond (NY, IEI, 116,29$US). Les obligations américaines de 3 à 7 ans offrent un rendement de 1,6%. Ce n'est pas énorme, mais la devise pourrait ajouter 15% de rendement.

vSPDR Utilities E.T.F (NY, XLU, 31,45$US). Les sociétés américaines de services publics sont réglementées à 70%, si bien que leur rendement est établi par le gouvernement. De plus, les titres - qui versent environ 4% de dividendes - profiteront de la quête de rendement courant, un phénomène très important.

vPowerShare DB Agriculture (NY, DBA, 27,08$US). On aime aussi les denrées comme le blé, le soya, le maïs! C'est toujours le thème de la demande grandissante de la population mondiale. Mais aussi, les récoltes ont été mauvaises cette année et c'est probablement pire qu'on pense.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations gouvernementales sont surévaluées, particulièrement au Canada. On croit que la Banque du Canada continuera d'augmenter les taux. Il faut être très prudent avec les obligations de 5 à 10 ans, qui seront les plus durement frappées.

Et, c'est peut-être caricatural, mais je ne toucherais pas à des obligations grecques de plus de deux ans, car le filet de sécurité de la Banque centrale européenne disparaîtra dans deux ans et demi.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Bien des gens s'attendent à ce que le dollar américain tombe en chute libre. Nous pensons le contraire. Le dollar US sera l'une des devises les plus attrayantes au cours de la prochaine année.

Tous les pays veulent une devise plus faible, afin de stimuler leurs exportations. Or, les États-Unis ne sont pas aussi dépendants des exportations que le Japon, et ils se trouvent dans une situation moins pire que l'Europe. Ça devrait aider le dollar. En plus, d'autres phénomènes favoriseront l'entrée d'argent aux États-Unis, notamment les mesures mises en place par le président Obama pour aider les PME et rapatrier des actifs étrangers.

Nous croyons que le dollar canadien pourrait perdre environ 15% face au dollar US, pour se situer entre 82 et 85 cents US, alors que le consensus voit le dollar à parité.

À titre de chef adjoint des placements, François Bourdon veille à la répartition d'actifs et la gestion des devises chez Fiera Sceptre. Issue de la fusion entre Fiera Capital et Sceptre Investment, la société montréalaise gère 30 milliards d'actifs traditionnels (actions et obligations) et alternatifs (fonds de couverture et d'infrastructure).