Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Vincent Deslisle, de Scotia Capitaux.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

La semaine a surtout été marquée par la publication des plus récents résultats financiers trimestriels. Les sociétés qui font partie de l'indice américain S&P 500 affichent une forte croissance par rapport à l'an dernier (+53%) et surpassent largement les attentes (80% ont battu les prévisions).

Pendant que l'horizon macroéconomique inquiète et laisse présager une modération de la croissance économique mondiale en seconde moitié de 2010, le portrait favorable de la rentabilité des entreprises permet à court terme aux indices boursiers de se ressaisir quelque peu après la glissade enregistrée en mai et juin.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Il y en a deux. Aux États-Unis, nous suivons l'évolution hebdomadaire des nouvelles demandes d'assurance chômage (jobless claims) pour jauger les améliorations du côté de l'emploi. Depuis un an, cette donnée s'est améliorée, tombant d'un sommet d'environ 700 000 demandes par semaine à environ 450 000 au printemps. Mais depuis, elles stagnent à ce niveau, un signe que la création d'emplois demeure très décevante chez nos voisins du Sud. Un niveau inférieur à 400 000 nouvelles demandes hebdomadaires indiquerait que le marché du travail se porte mieux.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

La période d'intense volatilité que nous connaissons depuis plusieurs mois n'étant pas terminée, je suggère de maintenir des positions d'encaisse plus élevée que la normale dans les portefeuilles. Dans la portion «actions», il faut bien doser le contenu cyclique et défensif. Je répartirais également toute nouvelle somme dans les secteurs suivants, soit avec un titre indiciel ou spécifique: Technologie (Research in Motion, Celestica), Industriels (CN, Finning), Énergie (ARC Energy, TransCanada), Télécommunication (Quebecor, Telus) et Consommation de base (Shoppers Drug Mart, Metro).

Quel placement évitez-vous à tout prix?

«Éviter» une catégorie d'actifs peut s'avérer une décision périlleuse (parce que souvent émotive) et il nous apparait préférable de sous-pondérer ce qu'y semble plus risqué et surpondérer ce qui recèle un potentiel supérieur. En ce moment, les obligations gouvernementales et les secteurs de la finance, de la consommation discrétionnaire et de l'or nous apparaissent moins attrayants.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Après la glissade boursière printanière, le moral collectif du marché est assez morose en raison des risques liés à l'austérité budgétaire en Europe. À notre avis, il ne fait aucun doute que le rythme de la reprise s'essouffle. Mais nous croyons que le marché surestime le ralentissement à venir et son impact sur la rentabilité. Les dernières données publiées en Europe ont d'ailleurs été plutôt solides. Mais l'environnement d'extrême volatilité demeurera encore longtemps et une stratégie tactique restera préférable au buy-and-hold, soit l'achat de titres à très long terme.

Stratège financier depuis 14 ans, Vincent Delisle s'est joint à Scotia Capitaux en 2004. À l'aide d'une analyse macroéconomique, il élabore des stratégies de répartition d'actifs et des portefeuilles modèles d'actions, destinés à des gestionnaires de portefeuilles institutionnels et aux courtiers de Scotia McLeod.