En matière de finances personnelles, les Canadiens ont des devoirs à faire... et ils devraient commencer dès le primaire. Le rattrapage est urgent. Autrement, leur niveau de vie sera menacé. Et l'économie du pays aussi.

«Les symptômes sont inquiétants. Les Canadiens n'épargnent pas assez, ont un taux d'endettement trop élevé et se préparent mal pour la retraite», estime Frank McKenna, président suppléant du conseil du Groupe Financier Banque TD et ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick.

 

La Banque TD propose une série de remèdes dans un rapport sur l'importance de l'alphabétisation financière qui étaye les idées soumises au Groupe de travail sur la littératie financière, au printemps.

Ce groupe a reçu 270 présentations et 280 commentaires, dans le cadre d'une vaste consultation pancanadienne. Le rapport final sera remis avant la fin de 2010 au ministre des Finances du Canada, qui avait lancé l'exercice dans son budget 2009.

Un a b c financier

Premier conseil: les enfants doivent apprendre l'a b c de la finance personnelle dès l'école primaire, dit Craig Alexander, premier vice-président et économiste en chef à la Banque TD. À son avis, «il est risqué d'attendre jusqu'au secondaire pour offrir de l'éducation financière et de n'offrir que des cours facultatifs».

L'économiste suggère d'élaborer un programme uniforme d'éducation financière qui serait offert dans les écoles primaires, sans nécessairement s'étaler sur toute l'année. Par la suite, les élèves approfondiraient leurs connaissances dans un cours offert vers la fin du secondaire, au moment où les jeunes réfléchissent à leurs études postsecondaires, un choix crucial.

M. Alexander souligne que la création d'emplois pour les détenteurs d'un baccalauréat a été quatre fois et demie supérieure à celle des détenteurs d'un diplôme secondaire, depuis 1990. De plus, les bacheliers gagnent 20 000$ de plus par année.

Quoique payante, la décision de poursuivre des études pose des questions financières complexes, d'où l'importance d'expliquer aux étudiants comment faire un budget, gérer ses cartes de crédit et éviter le surendettement.

Perfectionnement à la carte

Pour parfaire les connaissances financières des adultes, M. Alexander préconise l'établissement d'un centre fédéral d'excellence en littératie financière, qui servirait de trait d'union entre les différents acteurs du domaine. Notons que la Banque TD a participé à la création du Centre canadien pour l'éducation financière en 2008.

L'important est de fournir l'information au moment précis où les gens doivent prendre une décision financière comme l'ouverture d'un compte bancaire, le choix d'une carte de crédit, l'achat d'une voiture ou la signature d'une hypothèque.

«Une bonne part des connaissances financières sont très spécialisées et les gens réfléchissent en général très peu à leurs futures décisions financières tant qu'ils n'ont pas besoin de les prendre», explique M. Alexander.

Selon l'économiste, les efforts devraient être concentrés vers les Canadiens les plus vulnérables.

Par exemple, les gens à faibles revenus sont souvent limités à des options financières plus coûteuses (prêts sur salaire, emprunts à taux très élevés, etc.). Il faut intervenir avant qu'ils ne soient enfermés dans un cycle de surendettement chronique, dit M. Alexander.

Il faut aussi aider les immigrants à surmonter les obstacles. Par exemple, ils doivent d'abord bâtir des antécédents de crédit avant de pouvoir emprunter. Or, plusieurs arrivants ignorent qu'en payant leurs factures en retard, ils détruisent leur dossier, car dans leur pays, il n'existe pas de système de suivi de crédit.

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Des signaux d'alarme

Le coût des études augmentent, l'endettement des étudiants aussi. En 2005, 57% des diplômés universitaires étaient endettés, comparativement à seulement 47% 10 ans plus tôt. La somme de leurs dettes a gonflé de 24%, à 16 600$ en moyenne.

> Le taux d'épargne a dégringolé d'un sommet de 21% en 1982, à un creux de 1,7% en 2005. Aujourd'hui, les Canadiens épargnent 4,6% de leurs revenus disponibles. Trop peu.

> Le taux d'endettement des Canadiens n'a jamais été si haut. Leurs dettes représentent 147% de leurs revenus disponibles.

> Les dettes sur les cartes de crédit ont augmenté de 8,4% par année, de 1999 à 2005. Plus du quart des détenteurs ne paient pas leur solde en entier chaque mois.

> Le crédit à la consommation, qui englobe les marges de crédit hypothécaires, a augmenté encore plus vite: 10% par année depuis 2001.

> Les faillites ont explosé, en dépit de la baisse des taux d'intérêt. Le taux d'insolvabilité des Canadiens est passé de 1 cas sur 1000 personnes, au début des années 90, à près de 7 cas sur 1000 en 2009.

> L'épargne retraite est insuffisante. En 10 ans, le taux participation aux REER a chuté de 41% à 34%. Le REER médian se situe à seulement 55 000$.

> Près du quart des retraités n'ont pas les revenus nécessaires pour maintenir leur train de vie (60-70% des anciens revenus d'emploi). Leur proportion augmentera significativement au cours des quatre prochaines décennies, selon Statistique Canada.

Extraits de L'alphabétisation est importante: Un besoin urgent de littératie financière pour la vie, publié par la Banque TD.

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Une manne de 31 millions pour l'éducation financière

C'est une manne de 31 millions de dollars pour l'éducation des investisseurs. Conformément à la loi, l'Autorité des marchés financiers (AMF) versera au Fonds pour l'éducation et la saine gouvernance, la moitié des pénalités imposées à deux institutions financières du Québec à l'issue de la crise du papier commercial adossé à des actifs (PCAA). L'autre moitié servira à mettre au point des outils pour prévenir les infractions sur les marchés financiers. L'AMF invite les centres de recherche, les établissements d'enseignement et les associations qui veulent bénéficier de l'appui financier du Fonds à soumettre leurs projets d'éducation financière d'ici le 30 septembre. Depuis sa création en 2004, le Fonds a versé 8,5 millions à 72 projets.