Depuis 10 ans, le prix des maisons a plus que doublé dans le Grand Montréal. Les propriétaires qui se sont enrichis, sans payer d'impôt, pourraient recevoir la visite du fisc. Résidence principale, chalet, plex... Quels sont les pièges à éviter et les astuces à utiliser pour payer le moins d'impôt possible?

Le fisc lance un coup de semonce aux autoconstructeurs et aux spéculateurs qui se sont enrichis grâce à l'explosion des prix dans l'immobilier résidentiel.

De plus en plus de particuliers bâtissent ou rénovent une maison, un condo ou un immeuble à revenus dans le but de revendre rapidement pour encaisser un juteux profit. Or, peu d'entre eux réalisent que la plus-value risque d'être considérée comme un revenu d'entreprise, ce qui coûte plus cher d'impôt.

Pour les épingler, l'Agence du revenu du Canada a mis en place des programmes spéciaux de vérification visant la revente de maison à des fins spéculatives.

Au cours des deux derniers exercices, l'Agence a réalisé 287 vérifications qui lui ont permis de récupérer 2,85 millions de dollars d'impôts éludés, partout au Canada. Cela représente une somme d'environ 10 000$ par contribuable. Et il est fort probable que ces individus fassent aussi l'objet d'une vérification fiscale provinciale.

«Il existe un mécanisme d'échange de renseignements qui nous permettra de cotiser les cas cotisés par Revenu Canada, mais non vérifiés par Revenu Québec», confirme la porte-parole de Revenu Québec, Valérie Savard.

Depuis juin 2006, Revenu Québec mène aussi son propre programme de vérification ciblant les spéculateurs immobiliers: le projet «Transactions immobilières». «La récupération fiscale associée à ce type de dossier s'élève à plusieurs millions de dollars en impôts impayés», dit Mme Savard.

Vérifications en hausse

«Il y a beaucoup de vérifications sur le terrain. Je vois un grand nombre de dossiers actuellement», dit Jean-François Thuot, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton.

«La hausse des valeurs immobilières ces dernières années a attiré les investisseurs, constate le fiscaliste. Il y a des contribuables qui se sont embarqués dans des activités, pas nécessairement spéculatives au départ, mais qui se sont transformées un peu par la suite.»

En effet, le prix des maisons a plus que doublé dans le Grand Montréal en une décennie.

Le prix des plex a explosé de 161%, passant de 145 000$ en 2000 à 348 000$ au début de 2010. Le prix des maisons unifamiliales a bondi de 129% en 10 ans, passant de 108 000$ à 248 000$. Et le prix des copropriétés a gonflé de 118%, passant de 94 000$ à 205 000$, selon la Fédération des chambres immobilières du Québec.

Dans ce contexte, le fisc reste à l'affût et maintient ses programmes de vérification. «C'est encore valide pour cette année, puisqu'on a découvert qu'il y avait une non-observation des règles dans le secteur de la construction et de la rénovation de maison», prévient la porte-parole de l'Agence, Kareen Dionne.

L'intention qui compte

Pour comprendre d'où vient le problème, il faut savoir que, lorsqu'un particulier vend une maison, le profit qu'il réalise peut être considéré soit comme du gain en capital, soit comme du revenu d'entreprise. Tout dépend de son intention au départ.

Si son but était de vivre à long terme dans la maison, le fisc considère qu'il s'agit d'un gain en capital, imposable seulement à moitié. Par exemple, sur un gain de 100 000$, seulement 50 000$ est imposable.

Cela peut entraîner une facture fiscale allant jusqu'à 24 100$, pour un contribuable qui gagne déjà 127 000$ et qui est imposé au taux maximal de 24%. Pour un contribuable qui gagne 50 000$, l'impôt s'élèverait à environ 20 800$, estime Sylvain Chartier, expert-conseil à Banque Nationale Gestion privée 1859.

Toutefois, la plus-value sera complètement exempte d'impôt si le particulier désigne la maison comme sa résidence principale.

Mais la situation peut être bien différente lorsqu'un particulier décide d'acheter, de construire ou de rénover une maison dans le but de la revendre à profit. «Il s'approche d'un statut de constructeur où ce n'est plus du gain en capital, mais plutôt du revenu d'entreprise», dit M. Chartier.

Le fait d'avoir habité temporairement la maison avec sa petite famille n'y changera rien. Si l'objectif au départ était de revendre la maison dès la première occasion, il s'agit d'un revenu d'entreprise... totalement imposable. Sur un gain de 100 000$, la facture fiscale peut alors atteindre 48 200$ au taux d'imposition maximal, ou 44 200$ pour un contribuable qui gagne 50 000$.

Bref, la facture fiscale est au moins deux fois plus élevée.

Zone grise

Entre un gain en capital et un revenu d'entreprise, la ligne n'est pas toujours facile à tracer. «Plus l'entreprise ou la profession du particulier se rapproche du domaine de l'immobilier, plus il y a de chances que le gain résultant de la vente soit un revenu d'entreprise», peut-on lire dans une feuille de renseignements qui se trouve sur le site web de l'Agence du revenu du Canada.

Autre indice: les modalités de financement. «Avez-vous obtenu un financement à court terme ou un financement ne prévoyant pas de pénalités advenant le remboursement anticipé?» demande le fisc.

Avez-vous conservé la maison pour une période très courte? Avez procédé à plusieurs autres transactions semblables au fil des ans? Voilà encore d'autres éléments qui mettront la puce à l'oreille du fisc.

Mais attention! «Un particulier n'a pas à travailler dans le domaine de la construction résidentielle pour avoir un revenu d'entreprise découlant de la vente d'une habitation, et la vente d'une seule habitation peut donner lieu à un revenu d'entreprise», indique le fisc.

La facture d'impôt à la vente d'une maison

Traitement fiscal d'un gain de 100 000$ selon les circonstances

Résidence principale (exemptée d'impôt) 0$

Résidence secondaire (gain en capital imposable à moitié)

- Pour un contribuable qui gagne 127 000$: 24 100$

- Pour un contribuable qui gagne 50 000$: 20 800$

Achat spéculatif (revenu d'entreprise totalement imposable)

- Pour un contribuable qui gagne plus de 127 000$: 48 200$

- Pour un contribuable qui gagne 50 000$: 44 200$