Rappel: «13 000 agents déployés en 2007 au sommet du G8 en Allemagne: 433 blessés.»

Cette statistique figure sur le dépliant publicitaire du nouvel équipement de protection R4-E pour les services correctionnels et la maîtrise des foules, du fabricant québécois Mawashi.

À Toronto et Muskoka, dans quelques jours, plusieurs policiers porteront le R4-E, mis en production au cours de l'hiver.

C'est le premier produit à répondre à la nouvelle norme CSA Z617, qui a redéfini les critères de performance des équipements individuels d'atténuation de l'impact, indique le président de Mawashi, Alain Bujold, spécialiste en ergonomie.

L'argument de vente de l'entreprise de Saint-Jean-sur-Richelieu est le suivant: le R4-E protège contre les projectiles, les coups et les lames, sans nuire aux mouvements.

C'est exactement le dilemme des armures de plates du XIVe siècle, qui devaient conjuguer au mieux protection, poids et mobilité.

Pour atteindre cet objectif, Mawashi a puisé à deux sources très distantes: homards et lutteurs de sumo (nous caricaturons à peine).

Un exosquelette

Protection, d'abord. «On s'est inspirés des queues du scorpion et du homard, qui sont mobiles mais ont en même temps une carapace qui les protège», décrit Alain Bujold, également expert en biomimétisme.

L'exosquelette de ces arthropodes est fait de plaques chevauchantes et articulées. Le même principe s'applique à l'équipement de protection de Mawashi, dont la designer industrielle Marie-Pier Laguë a esquissé les premières ébauches sur des planches anatomiques détaillées.

Le plastron qui couvre la face antérieure du tronc comporte cinq plaques enveloppantes. Pour les façonner, les concepteurs ont fait des moulages en plâtre des torses de plusieurs hommes et femmes de différents gabarits.

Ces plaques thoraciques et la plaque dorsale, résistantes aux lames et aux pics, sont moulées en un polymère composite de kevlar et fibre de verre. Elles sont recouvertes sur leur face intérieure d'une mousse résiliente, et enveloppées dans des housses de textile ignifuge. Les bras et les jambes sont eux aussi protégés par des plaques de plastique thermoformées.

«Un de nos grands défis était les articulations, constate le designer industriel Jean-Marc Sheitoyan. Elles sont très difficiles à protéger à cause de leur grande mobilité. Le genou du R4-E, par exemple, comporte plusieurs couches de protection comme la queue d'un homard, mais ne laisse aucun interstice non protégé.»

Gestion du poids, maintenant. Alain Bujold a repris les résultats d'une étude qu'il a menée sur le transport de charge par l'humain. Sa prémisse était la suivante: les personnes très obèses portent un surpoids de 200 ou 300 lb, distribué au mieux par la nature. «Dans notre étude, on a vu des athlètes sumos de 500 ou 600 lb, explique-t-il. Parce que la graisse était soutenue avec plus de muscles, elle ballottait moins et ils étaient capables de mieux se déplacer que d'autres personnes de même poids.» Sur ces principes, les designers ont conçu un harnais, porté autour du torse et appuyé sur les hanches, qui stabilise la charge et supporte les plaques de protection articulées.

«Les plaques qui protègent la poitrine et la plaque dorsale sont les plus lourdes, décrit Jean-Marc Sheitoyan. Avec le harnais, cette charge est bien répartie sur le squelette et le système musculaire. On sent moins la charge. Les policiers trouvent l'équipement confortable et ils peuvent bouger.»

L'équipement complet pèse une vingtaine de livres, quatre de plus que le modèle précédent. «Pourtant, les policiers nous disent que nous l'avons allégé!» se réjouit Alain Bujold.

Un autre facteur restait à considérer. «Pour le policier, il y aura 1% de manifestations comme le G8 et le G20, et 99% de moments plus tranquilles, souligne le président. Mais dès qu'il s'habille, il court le risque d'un coup de chaleur.» Grâce à des filets perméables à l'air et des espaces entre les plaques et le corps, les designers ont favorisé une aération passive par effet de cheminée.

Le R4-E est en cours d'évaluation au concours d'ergonomie Annual User-Centered Product Design Award. Mais, bien sûr, c'est toujours l'usage qui constitue le véritable test.

Plus que quatre jours avant le sommet du G8.