Une réforme considérable de la réglementation des banques et des entreprises financières se négocie dans les principaux forums économiques du monde.

Elle sera d'ailleurs parmi les principaux points à l'ordre du jour au sommet des chefs d'État du G20, qui aura lieu dans quelques jours à Toronto.

Mais déjà, des gouvernements de pays très influents dans le secteur financier, les États-Unis et la Grande-Bretagne, ont pris une longueur d'avance avec des projets de loi d'une rare ampleur.

Au point de générer une mobilisation sans précédent des lobbyistes du secteur financier, qui veulent évidemment minimiser toutes nouvelles restrictions aux activités de leurs clients.

Parmi les investisseurs au capital des banques et de grandes sociétés financières, on appréhende l'impact de tout ce brassage réglementaire sur les résultats futurs de ces institutions.

D'autant que les analystes bancaires hésitent encore à quantifier cet impact pour chacune des banques, préférant s'en tenir à des estimations générales.

En Grande-Bretagne seulement, on évalue à plus de 5 milliards de livres sterling, l'équivalent de 7,3 milliards US, le coût annuel d'une éventuelle «taxe bancaire».

Il s'agit d'une mesure de recouvrement pour la quantité massive de fonds publics injectés en soutien au secteur financier depuis deux ans. Néanmoins, après avoir été discutée au niveau international, tout indique maintenant qu'une telle proposition de «taxe bancaire» se limitera à l'Europe.

À l'opposé, une autre mesure considérée restrictive dans le milieu bancaire - la hausse de la capitalisation minimale selon la taille des activités - continue de progresser au niveau international.

Et du coup, ces discussions suscitent maintes spéculations sur le coût d'une telle mesure à moyen terme pour les banques et leurs actionnaires.

Car si les banques devaient grossir rapidement leurs réserves de capital dit de premier niveau, ou tier 1 dans le jargon bancaire, elles devront immobiliser des dizaines de milliards de dollars qui seraient moins disponibles pour générer de la croissance des revenus et des bénéfices.

Aussi, cette réserve accrue de capital pourrait s'avérer une ponction considérable à moyen terme sur la capacité financière des banques à rémunérer davantage leurs actionnaires, par des hausses de dividendes.

Selon une étude de la banque UBS, les principales banques du monde devraient mobiliser au moins 375 milliards US en nouveau capital pour satisfaire aux futures normes en négociations au Comité de Bâle, le principal forum mondial de réglementation bancaire.

Aux États-Unis, ce sont les nouvelles restrictions sur certaines activités des banques, notamment le négoce de produits dérivés hors-cote, qui préoccupent les investisseurs.

Selon le projet de loi en préparation finale au Congrès, les grandes banques américaines devaient confiner ces activités dans des filiales distinctes.

Or, l'an dernier seulement, ce commerce de produits dérivés hors-cote a valu 28 milliards US en revenus pour les cinq grandes banques américaines.

Par ailleurs, on estime que ces banques devraient lever au moins 85 milliards US en capital spécifique pour de nouvelles filiales de produits dérivés.

Au Canada, entre temps, tout indique que les investisseurs en actions de banques n'ont pas trop à s'inquiéter d'un «risque réglementaire» dans l'avenir prévisible.

En fait, la bonne tenue relative des banques canadiennes durant la crise financière continue d'être citée en exemple dans le monde.

Et d'emblée, ce contexte a réduit beaucoup la pression politique en faveur de nouvelles mesures spécifiques aux banques.

Un exemple? Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a réussi sa campagne contre une «taxe bancaire» de recouvrement au point d'en convaincre plusieurs de ses vis-à-vis du G20, sauf les Européens.

Par ailleurs, les principales autorités bancaires au Canada, dont le Bureau du surintendant des institutions financières, ont déjà écarté l'adoption de mesures restrictives pour les banques semblables à celles en préparation à Washington.

En contrepartie, les autorités canadiennes n'ont pas l'intention de soustraire les banques d'ici du prochain cadre réglementaire plus sévère attendu de l'accord de Bâle III.

En fait, selon Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada, «les propositions issues de Bâle III rendront le système financier mondial plus semblable à celui du Canada, dont la rigueur réglementaire s'est avérée déterminante durant la crise».

Par conséquent, de l'avis d'analystes, l'impact de Bâle III s'annonce minime pour les investisseurs au capital des banques canadiennes.

Entre autres, ils soulignent que les banques canadiennes ont déjà des réserves de capital de premier niveau qui excèdent amplement les prochaines normes attendues de Bâle III (voir tableau).

Estimé à plus de 20 milliards CAN, ce capital excédentaire parmi les six grandes banques canadiennes pourrait même leur permettre d'accélérer la reprise de la hausse de leurs dividendes aux actionnaires.

Mais à l'Association des banquiers canadiens, on voit la situation bien autrement. On craint que les normes plus sévères de Bâle III nuisent à la disponibilité de fonds pour les activités de crédit aux entreprises et aux particuliers.

Ce à quoi le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a répondu en se faisant rassurant. L'implantation de Bâle III sera suffisamment progressive pour éviter toute nuisance à la reprise économique.