L'Afrique n'apparaît pas encore sur l'écran radar des investisseurs. Sauf pour les plus téméraires qui repoussent les frontières, à la recherche de la prochaine génération de pays émergents. Hormis en Afrique du Sud, les Bourses africaines demeurent petites et rudimentaires, mais certaines sont de véritables «success story».

Richard Morin était au Mont-Sainte-Anne, en 1996, lorsqu'une petite annonce dans la revue The Economist a retenu son attention: «La Bourse de l'île Maurice cherche un président».

«J'ai dit: c'est moi! Aller passer quelques années dans un paradis tropical, ça ne se refuse pas. J'ai posé ma candidature et on l'a retenue». Il a troqué ses skis contre une planche à voile. Et il a troqué le poste qu'il occupait depuis 10 ans à la Bourse de Montréal contre celui de la Bourse de cette république baignée dans l'Océan indien au large de l'Afrique.

En deux ans, il a amené les standards internationaux dans l'organisation du marché mauricien. «Faire une transaction, c'est extrêmement simple. C'est le règlement qui est plus difficile: le transfert d'argent contre certificat, la gestion du change pour les transactions inter-frontalières. Cette partie-là est complexe et rend les marchés frontières difficilement accessibles», dit M. Morin.

En s'inspirant du modèle canadien, M. Morin a mis en place un organisme central de règlement des transactions, qui a servi de clé de voûte pour une série d'autres réformes. Aujourd'hui, la République de Maurice est considérée comme un vrai «success story» africain, même si elle n'a aucune ressource naturelle... à part la beauté de l'île. Les Mauriciens ont évité les dérapages politiques. Ils ont misé sur le tourisme, les services financiers «offshore».

La Bourse de Maurice a une capitalisation de seulement 5 milliards de dollars (environ la taille de l'épicier Metro). Mais son indice (le SEMDEX... développé par M. Morin) a connu une performance à couper le souffle.

Depuis cinq ans, l'île Maurice se classe dans le Top 5 des meilleurs pays du monde, avec un rendement annuel composé de 19%... davantage que la Chine ("18%) et l'Inde ("18%). Seuls le Pérou, la Colombie, le Brésil et l'Indonésie ont mieux fait!

L'éveil de l'Afrique

«L'éclosion de nombreuses Bourses est peut-être la preuve la plus éclatante des efforts de l'Afrique pour devenir un participant à part entière dans l'économie mondiale», considèrent Eric Güller et Robert Ruttman, analystes chez Crédit Suisse. En fait, une vingtaine de Bourses ont vu le jour en Afrique, au cours des deux dernières décennies, notamment la Bourse régionale des valeurs mobilières de l'Afrique de l'Ouest qui a aussi été développée par des Canadiens.

Les efforts ont porté fruit. Depuis le tournant du siècle, l'Afrique a profité d'une croissance sans précédent des investissements étrangers. Les investisseurs sont attirés par les ressources naturelles du continent et par son potentiel agricole, mais aussi par les projets d'infrastructures, le développement des télécommunications mobiles et les services financiers. Affamée de matière première, la Chine a été particulièrement active en Afrique. Par exemple, en 2008, elle a acquis 20% de la Standard Bank of South Africa pour 5,6 milliards$US.

Peu d'économistes l'ont remarqué, mais l'Afrique subsaharienne a très bien résisté à la récession mondiale, pointe le Fonds monétaire international. Le ralentissement économique a été de courte durée et les perspectives sont prometteuses pour les années à venir. Le FMI s'attend à une croissance de 4,75% en 2010 et de 5,75% en 2011.

Si l'Afrique mérite l'attention des investisseurs, ceux-ci ne doivent pas en ignorer les dangers. Pauvreté, violence, instabilité politique, risque de nationalisation, dévaluation de la devise...

Au Zimbabwe, une brouette pleine de dollars d'il y a dix ans ne suffirait pas à acheter une pomme aujourd'hui. «On appelle ça de l'hyperinflation!» s'exclame M. Morin, aujourd'hui gestionnaire de la société montréalaise Landry Morin. Pour tous ceux qui ont investi en monnaie locale, c'est zéro.

Mais d'autres pays que l'on jugeait autrefois incertains, risqués et exotiques (comme la Chine ou la Slovénie) ont fourni de magnifiques rendements aux investisseurs qui les ont repérés assez tôt, notent les analystes de Crédit Suisse. En ce début de 21e siècle, ce sera peut-être au tour de l'Afrique.