Paradoxe: une carte de crédit qui vous aide à planifier votre budget?

C'est l'argument de la Banque CIBC, dont l'état de compte mensuel de ses cartes de crédit comporte un sommaire où les transactions sont classées en 10 catégories - transports, restaurants, santé et éducation, etc.

Avec son rapport de dépenses IntelliCrédit, lancé en 2006, un tableau-synthèse indique le nombre et le total des transactions faites durant le mois dans chaque catégorie. Un second tableau fait le sommaire des mêmes informations depuis le début de l'année.

De plus, sur l'internet, le consommateur peut inscrire la somme qu'il budgète chaque mois pour chaque catégorie. Sur l'état de compte de sa carte, l'enveloppe budgétaire allouée pour le mois apparaîtra vis-à-vis chacune, ainsi que la différence positive ou négative avec les dépenses réellement faites.

La Banque Laurentienne lancera à son tour en juin un nouvel état de compte qui inclura lui aussi un sommaire des dépenses du mois par catégories. Pour chacun de ces 10 postes de dépenses, le relevé indiquera la somme dépensée et sa proportion du compte mensuel.

Sur le relevé annuel de sa carte Platine - la seule qui en bénéficie -, la Banque Nationale donne un sommaire des dépenses en neuf catégories, pour l'année et pour chacun des mois.

Chez Desjardins, TD, BMO, Scotia, rien de tel pour l'instant.

Pour sa part, RBC Banque Royale lance aujourd'hui même un outil de planification budgétaire sur l'internet pour ses comptes bancaires et cartes de crédit.

Ça fonctionne comment?

Comment les institutions financières peuvent-elles regrouper ainsi les dépenses par catégories?

Lors de leur adhésion au service de crédit, les commerçants se sont vu attribuer un code de commerce (Merchant Category Code, ou MCC), qui correspond à leur secteur d'activité. Dans l'univers Visa, on compte 935 MCC!

Chaque transaction faite avec une carte de crédit est ainsi associée au MCC du commerçant. La Laurentienne ou la Scotia ont donc classé ces MCC dans l'une ou l'autre de la dizaine de catégories qui figurent sur leur état de compte. C'est ainsi que vos dépenses peuvent être triées et totalisées par catégories.

Par exemple, la Laurentienne inclut dans sa catégorie Maison les dépenses faites chez des commerçants portant les codes Foyers, Draperie, rideaux et tapisseries, Magasins d'électronique, etc.

Il s'ensuit une certaine imprécision. Comme l'état de compte de la CIBC en fait la mise en garde, «les opérations sont assignées à une catégorie en fonction du lieu d'achat des biens et des services, et non de l'article acheté. Par exemple, un article acheté au dépanneur d'une station-service sera inscrit sous Transport plutôt que sous Services de détail et épicerie».

Utile?

Ceux qui portent l'essentiel de leurs achats sur leur carte de crédit peuvent ainsi rapidement savoir combien ils dépensent chaque mois ou chaque année dans certains postes budgétaires - l'alimentation, par exemple, qui constitue une part essentielle du budget familial.

Et pourtant, CIBC associe l'épicerie et les magasins de détail dans la même catégorie. Comment les distinguer?

La Banque Laurentienne, pour sa part, a attribué à l'épicerie sa propre catégorie.

Autre exemple: dans la catégorie Transport de la CIBC apparaissent autant l'essence achetée à la station-service du coin que le billet de train de VIA Rail. La Laurentienne a institué une catégorie essence et une catégorie transport.

Mais curieusement, ni l'une ni l'autre n'ont de catégorie Vêtements et chaussures. Dans son relevé annuel pour sa carte Platine, la Banque Nationale distingue la catégorie Magasins de détail, mais regroupe par ailleurs épicerie et pharmacie dans la même catégorie.

Bref, ces étranges amalgames semblent aller à l'encontre de leurs belles intentions budgétaires.

Qu'en pensent les spécialistes? La conseillère budgétaire Anne-Marie Millaire, de l'ACEF de l'Est de Montréal, reconnaît l'intérêt de vérifier en un coup d'oeil combien a été dépensé dans l'une ou l'autre catégorie... avec réserve. «Le problème, prévient-elle, c'est qu'il ne faut pas faire son budget en fonction du crédit qu'on nous offre, mais en fonction de nos véritables revenus. Ma crainte, c'est qu'on en vienne à considérer notre carte de crédit comme notre outil de budget.»

Les outils de planification budgétaire incluent toutes les dépenses, rappelle-t-elle, y compris - et surtout - les dépenses de logement ou le prêt-auto, qui ne sont pas payés avec une carte de crédit.