Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Marc Christophe Lavoie, d'Hexavest...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?Le plan de sauvetage mis sur pied par l'Union Européenne et le Fonds Monétaire International. L'ampleur de ce plan, d'un montant potentiel de 750 milliards d'euros, va aider les pays en difficulté à court terme, en plus de rassurer les marchés sur la volonté de l'Allemagne et de la France de venir en aide aux pays qui partagent la monnaie commune.

Ces garanties de prêts vont probablement retarder l'inévitable, à savoir le défaut de paiement ou la restructuration de la dette d'un pays souverain. Après une très forte hausse lundi (poussée par le soulagement...), les marchés des pays les plus touchés (Grèce, Espagne, Portugal, Italie) ont été erratiques toute la semaine, avec des baisses marquées jeudi et vendredi. Les gens réalisent que le plan ne va pas tout solutionner.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je surveille attentivement les plans d'austérité mis sur pied par les divers gouvernements en Europe. À notre avis, les marchés sous-estiment jusqu'à maintenant l'impact négatif sur la croissance économique à moyen terme des pays qui doivent réduire de façon importante leurs dépenses tout en augmentant les impôts de leurs citoyens. Les tensions sociales qui résultent aussi de l'impact de ces plans sur les conditions de vie des gens (gel des pensions, hausse de l'âge de la retraite, pertes d'emploi) vont aussi tester la volonté des gouvernements à mettre en place des mesures difficiles et impopulaires.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

À court terme, nous privilégions le dollar américain par rapport aux autres devises. Les gens réalisent que l'euro ne pourra pas concurrencer le dollar US comme valeur refuge, et les investisseurs semblent moins préoccupés par la situation financière du gouvernement américain. L'euro a été émis à 1,15$US en 1999. Il a été trois ans en dessous de la parité, de 2000 à 2002. Il n'y a pas de raison pour qu'il ne retourne pas à 1,15$US.

À plus long terme, je pense que l'or, même si le prix est déjà très élevé, peut avoir une place dans un portefeuille comme protection dans le contexte économique actuel. En période d'incertitude élevée en Europe et de déficits budgétaires importants aux États-Unis, le prix de l'or pourrait connaître une forte appréciation. D'ailleurs, cette semaine, plusieurs sources ont fait état d'importants achats de pièces d'or par les Allemands. Si l'or connaît une période de faiblesse, ce pourrait être une bonne occasion d'achat.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les actions des banques européennes. Même si elles ont déjà sous-performé les banques américaines par plus de 20% cette année, les banques européennes détiennent une quantité importante d'obligations gouvernementales de plusieurs pays d'Europe. Les pertes reliées à ces investissements pourraient être très importantes. De plus, à la suite de la crise de 2008-2009, les banques européennes ont été beaucoup plus lentes à se recapitaliser et à prendre des provisions pour les prêts douteux que leurs homologues américaines.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Nous pensons que les États-Unis ne sont pas à l'abri d'une telle situation, avec leur déficit budgétaire aussi important que le Royaume-Uni et la Grèce. À l'heure actuelle, les données économiques sont bonnes, grâce aux plans de relance d'une ampleur sans précédent mis sur pied en 2008-2009 pour relancer l'économie. Toutefois, les problèmes structurels demeurent.

Les marchés font présentement l'objet d'un combat féroce entre ses composantes cycliques (l'économie mondiale qui rebondit grâce aux plans de relance) et structurelles (la détérioration de la santé financière des gouvernements). Nous sommes d'avis que les éléments structurels vont avoir un impact négatif sur la force des aspects cycliques, et que les données économiques vont perdre de la vigueur au cours des prochains trimestres.