Il s'agit d'une activité parascolaire. Paracégépienne, pourrait-on dire. Et pas la moindre: se mesurer à 120 grandes écoles universitaires de génie, dans une compétition de conception de véhicule: la formule SAE.

Douze élèves et deux professeurs du cégep du Vieux-Montréal partent demain pour Detroit, où la compétition se tiendra du 12 au 15 mai.

Ils amènent avec eux la petite monoplace sur laquelle ils travaillent depuis septembre.

Huit cégépiens en techniques de génie mécanique se sont consacrés aux châssis, moteur, suspension, direction. Mené par l'élève et chef de projet Charles Ratelle, ils ont passé la nuit de jeudi à vendredi à faire l'assemblage final.

La carrosserie a été dessinée et construite par une quinzaine de cégépiens en techniques de design industriel, à raison de trois heures par semaine, tous les mercredis après-midi. Ce projet leur a été suggéré par leur professeur Serge Nadeau. Sa préoccupation: susciter et maintenir l'intérêt de ses élèves maniaques de transport. Chaque année, en effet, la nouvelle cohorte compte quelques irréductibles mordus de design automobile, qui ne trouvent pas leur compte dans le programme régulier. Il ne faut pas les laisser filer.

Comme en entreprise

L'argument de la formule SAE est le suivant: un constructeur fictif demande à une équipe de concevoir une petite voiture monoplace, destinée aux pilotes amateurs. Le manuel de règlements et de caractéristiques compte 100 pages (en petits caractères). La voiture sera testée et jugée en fonction de nombreux critères - performances, consommation d'essence, ergonomie...

Les jeunes designers ont amorcé leur conception avec des séances d'esquisses, ce qui leur a permis de s'initier aux techniques d'illustrations automobiles. Le modèle retenu, dont l'élève de deuxième année Jean-Frédéric Beaudoin a fait la synthèse, est plus sobre que les croquis sans contrainte du début: une lisière orange borde un noyau triangulaire noir, comme un fer de lance qui s'évase régulièrement jusqu'aux prises d'air latérales des radiateurs.

La carrosserie a été modelée à l'argile sur la maquette à échelle 1/4 du châssis, elle-même construite par prototypage numérique - «comme dans une vraie entreprise», indique Serge Nadeau. Une fois les lignes ajustées, une forme en styromousse, grandeur nature cette fois, a été sculptée par usinage numérique chez un modeleur de Sherbrooke. Elle a servi à faire le moule dans lequel la carrosserie en fibres de verre a été fabriquée.

«Notre but est purement d'intéresser et de retenir nos élèves pour qu'il n'y ait pas de décrochage», assure le professeur.

Pour les écoles de génie, l'objectif est tout autre. «C'est d'abord la passion pour l'automobile, mais c'est aussi une belle possibilité de réseautage: on parle de notre travail avec des ingénieurs de course automobile d'un peu partout dans le monde», indique Sébastien Hébert, étudiant en génie industriel et capitaine des 30 membres de l'équipe de l'École de technologie supérieure.

Les plus dévoués y ont consacré plus de 40 heures par semaine. «On a aussi des cours, des emplois, des copines: c'est un horaire chargé», constate Sébastien Hébert.

Même passion et même dévouement de la part des 25 étudiants du groupe de l'École polytechnique. Le directeur de l'équipe, Alexandre Ferreira Benevides, a dessiné la carrosserie, à la suite de la mise à niveau du modèle précédent.

Mais l'élégance et la finesse de la carrosserie ne seront pas prises en compte par le jury, sinon indirectement par l'influence que l'aérodynamisme peut avoir sur la performance du véhicule. «Il n'y a pas de points pour ça, lance Serge Nadeau, mais on veut quand même se faire plaisir!»