Au début de chaque trimestre, La Presse Affaires demande à quatre stratèges d'exposer comment ils répartiraient une mise de 50 000$ destinée à un REER. Ils font ici le point avec nous sur les trois premiers mois de l'année, nous expliquent ce qu'ils voient pour l'avenir immédiat et ajustent leur portefeuille en conséquence.

La reprise nord-américaine est bien plus forte que ce à quoi on aurait été en droit de s'attendre au plus fort de la crise financière dont l'épicentre était aux États-Unis.

 

En Asie, la Chine et d'autres économies émergentes craignent la surchauffe au point où des mesures de resserrement monétaire ont déjà été annoncées.

En revanche, celle de l'Europe est entravée à la fois par les crises budgétaires de plusieurs États et par la domination des banques dans l'allocation du crédit aux entreprises qui ne profitent pas autant des marchés de dette corporative.

Jusqu'ici, les rendements ont été modestes. Même avec des stratégies très différentes, nos quatre experts ont généré un rendement variant de 1,29% à 1,48% de janvier à mars, un écart de 92$. Cela montre bien que les occasions n'étaient pas mirobolantes. Elles ne le seront pas davantage ce printemps.

«Le crédit à la consommation est devenu positif aux États-Unis en février, fait remarquer François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital. Ça veut dire que le consommateur n'est pas mort.»

Le plus pessimiste de nos quatre experts en début d'année choisit donc de diminuer de cinq points son portefeuille obligataire au profit des actions américaines.

À hauteur de 20%, sa nouvelle pondération reste encore loin des 30% de Stéfane Marion qui garde intacte la composition de son portefeuille ce trimestre-ci. «Les profits seront bons et la valorisation n'est pas encore excessive avec un ratio de 15 fois les bénéfices, assure-t-il. Généralement, c'est plutôt 16 fois au sortir d'une récession», observe le stratège et économiste en chef de la Financière Banque Nationale.

Le marché américain a bien fait ces derniers temps. Depuis son creux du 8 février, il a gagné 10%, portant son rendement trimestriel à 4,87%, un bien meilleur rendement que l'indice phare de la Bourse canadienne. Le S&P/TSX s'est plutôt apprécié de 3,14%, une performance honnête, compte tenu de son lent départ.

La force du dollar canadien le fait mieux paraître que d'autres indices comme l'américain. Le rendement du S&P 500 exprimé en dollar canadien est ramené à 1,99%.

Le huard s'est apprécié de 3,55% durant le trimestre. Il a même gagné plus d'un cent cette semaine.

De l'avis de tous, la parité est imminente. «Dans un élan, on pourrait même le voir à 1,05$ US», croit Luc Girard, directeur groupe conseil en portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins. Il limite la part de son portefeuille en actions américaines à 17,5%. Il croit en outre que la première économie du monde repose trop sur la consommation qui sera moins le moteur du cycle actuel.

«On est entré dans une autre phase de la reprise boursière, croit pour sa part Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Les meneurs ont changé, le billet vert est en hausse contre l'euro. Mais quand le S&P 500 atteindra 1200-1225 points, je vais devenir plus prudent et plus sceptique.» Il se négociait jeudi aux environs de 1175 points.

La modification la plus importante du portefeuille de M. Delisle consiste en une augmentation de trois points de l'encaisse, aux dépens des actions canadiennes et des pays émergents. «Lorsque le profil risque-rendement devient moins attrayant, on redirige un peu d'argent vers l'encaisse.»

Tout comme ses pairs, il se méfie des obligations canadiennes même si tout portefeuille équilibré doit en contenir une bonne part. «La Banque du Canada risque d'augmenter ses taux, c'est négatif pour les obligations, explique M. Bourdon. Elles vont donner au mieux un rendement de zéro.»

Ce sont surtout les obligations à courte échéance qui vont écoper au cours des prochains mois car elles évoluent en fonction de la politique monétaire.

M. Girard partage aussi ces vues. Il retranche entre cinq points de sa part en obligations au profit des actions canadiennes et des pays émergents. «On voit de plus en plus les investisseurs sortir des obligations. Ce qui ira le mieux, c'est ce qui va avec les pays émergents.»

En grand fournisseur de matières premières, le Canada devrait profiter de la manne asiatique. «Je crois à l'attrait du Canada, affirme M. Delisle. L'économie intérieure est plus saine. Elle est à proximité du marché américain et exposée aux pays émergents. Néanmoins, le TSX a moins de potentiel cette année. Les titres de ressources ont déjà beaucoup donné.»

M. Marion ajoute que le poids des titres aurifères va nuire à l'indice.