Parvenu à 69 ans, Georges a bien vécu. En 2009 encore, ce consultant touchait un revenu de travail autonome de 85 700$.

Mais il vient de perdre son unique client. C'est une autre manière de prendre sa retraite.

«Ma situation financière, je crois, ressemble à celle d'un grand nombre de personnes de mon âge qui n'ont pu, pour diverses raisons, accumuler suffisamment d'épargnes pour bénéficier d'une retraite facile», constate-t-il.

Divorcé, depuis longtemps travailleur autonome, il ne bénéficie d'aucun régime de retraite complémentaire. Il ne peut compter que sur ses épargnes, soit 210 000$ en REER et 10 900$ dans un CELI.

 

Il touche chaque mois quelque 685$ de la RRQ et 460$ en pension de la Sécurité de la vieillesse.

«Ayant toujours été travailleur autonome, il me serait possible de continuer à travailler pendant un certain temps, soutient-il. De façon réaliste, je pourrais aller chercher des revenus annuels d'environ 10 000$ à 15 000$ pendant quelques années.»

Mais il préférerait travailler le moins possible, «sachant bien sûr que cela suppose m'imposer un régime de vie plus simple et plus austère, par exemple, si cela est réaliste, vivre avec un budget de 40 000$ plutôt que de 60 000$».

Ni miracle ni magie

Georges n'attendait pas de miracle. Et en effet, la planificatrice financière Manon Létourneau, de Financière Banque Nationale, n'en a pas fait.

Ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Question de tâter prudemment le terrain, elle a d'abord utilisé la règle courante d'un revenu de retraite équivalant à 70% de celui de la vie active de Georges. Ce revenu brut de 60 000$ lui laisserait 41 360$ après le passage du fisc. Ses épargnes lui en donnent-elles les moyens? «Malheureusement, avec un taux d'intérêt sur les placements de 4% et une inflation de 2% - ce qui est réaliste -, il lui manquerait 626 107$ pour se rendre jusqu'à 91 ans», calcule la planificatrice.

Ses économies seraient épuisées à l'âge de 73 ans. Ensuite, Georges ne pourrait plus compter que sur la RRQ et la PSV.

Georges pourrait alors vendre sa propriété. Mais de façon générale, Manon Létourneau est contre l'idée d'une vente trop hâtive. «Il faut loger quelque part», soutient-elle.

Georges lui a fait valoir que les membres de sa famille montraient une santé précaire, l'âge venant. Cependant, il est dangereux de bâtir une planification de retraite sur l'hypothèse d'un décès précoce. Qu'adviendrait-il si un destin facétieux le gratifiait d'une longévité de patriarche biblique?

Non, il faut assurer une marge de manoeuvre contre le terrible risque d'une vie longue et active.

Pour y arriver, Manon Létourneau a gratté les fonds de tiroirs, selon son expression. Elle a observé que la pension de la Sécurité de la vieillesse de Georges était amputée d'environ 2900$ par année, en raison de ses revenus élevés en 2009. Il doit rembourser 15% de la part qui excède le plafond de 66 335$. En ramenant son revenu sous cette barre, il pourrait toucher le maximum de la PSV, soit 517$ par mois.

Avec ce supplément sur la PSV, notre conseillère a fait une nouvelle projection vers l'avenir. Elle suppose que Georges réussira à gagner des honoraires de 10 000$ par année. À défaut, il pourra les compléter en puisant dans la réserve de 50 000$ qui demeure dans le compte de sa petite entreprise de consultation. Manon Létourneau réduit en outre les retraits du REER à 13 000$ par année, pour couper de moitié le revenu total de Georges, qu'elle ramène à 42 877$. Avec un revenu net de 30 000$ ajusté à l'inflation, Georges pourrait étirer ses épargnes jusqu'à 82 ans. Ce sera alors le moment de vendre sa propriété.

Mais il s'agit tout de même d'un budget inférieur de 10 000$ au pire scénario de Georges.

Un régime sévère? Georges n'a pas vraiment le choix. Il le sait. «Jusqu'à récemment, je dépensais sans compter, ce qui est une des raisons pour lesquelles je n'ai pas beaucoup d'argent pour la retraite, indique-t-il. J'ai déjà commencé à réduire très substantiellement. C'est fou l'argent que j'ai dépensé durant ma carrière en restaurants. Les voyages sont aussi une chose que je peux comprimer.»

Manon Létourneau ne veut ni tourner le fer dans la plaie, ni faire la morale. «Si Georges avait planifié sa retraite plus tôt, suggère-t-elle néanmoins, il ne serait peut-être pas là aujourd'hui.»

Elle déplore que la planification de retraite soit souvent entreprise trop tard pour corriger sans trop de mal une trajectoire périlleuse.

«Nous ne sommes pas des magiciens.»

Précision: l'article du 20 mars L'héritage de ma tante a été corrigé sur l'internet, après que la notaire invitée eut modifié son opinion. À voir sur lapresseaffaires.cyberpresse.ca

LA SITUATION

À 69 ans, Georges vient de perdre le contrat qui lui assurait des revenus totaux de 85 000$. Travailleur autonome, il doit compter sur ses économies pour son revenu de retraite. Il sait qu'il devra réduire ses dépenses, qui totalisaient 60 000$, mais à quel point?

«À défaut d'être facile, ma situation est-elle viable?»- Georges

LES DONNÉES

Georges, 69 ans

REER: 210 000$

CELI: 10 900$

Épargnes hors REER: 50 000$

Propriété: valeur de 350 000$, avec une hypothèque de 25 000$

RRQ: 685$ par mois

PSV: 460$ par mois

Aucun régime de retraite complémentaire

LA RECOMMANDATION

Pour faire durer ses économies jusqu'à l'âge de 82 ans, alors qu'il pourra compter sur la vente de sa propriété, Georges devra réduire ses dépenses de moitié, et les ramener à 30 000$ par année. Pour lui, une coupe draconienne. Mais a-t-il le choix?

«Je crois que Georges ne peut prendre le risque de mettre en péril ses revenus.»

- Manon Létourneau

Manon Létourneau

Pl. fin., conseillère en placement, vice-présidente, Financière Banque Nationale