Les fiducies de revenus ont jusqu'à la fin de l'année pour se transformer en corporation. Cela déclenchera une réduction de la distribution payée aux investisseurs, estiment la vaste majorité des patrons de fiducies. Le tiers d'entre eux s'attendent aussi à un renouvellement significatif de leur actionnariat. Et les deux tiers prévoient une vague de fusions et acquisitions, selon un sondage Harris Decima. Êtes-vous prêts pour la turbulence?

Le compte à rebours est commencé. Les fiducies de revenus qui perdront leur avantage fiscal en 2011 ont jusqu'à la fin de l'année pour se métamorphoser en corporations. Le moment est propice à une révision de portefeuille pour les particuliers qui détiennent des fiducies ou des fonds communs de placement spécialisés dans les fiducies.

«Il ne faut pas voir ça comme une alarme, en se disant qu'il faut tout vendre d'ici la fin de l'année», affirme Guy Côté, vice-président, à la firme de courtage Banque Nationale Financière.

Si la fiducie est solide, les investisseurs devraient vivre la transition sans paniquer. Mais ils doivent s'attendre à ce que, «les moments qui précèdent et qui suivent la conversion donnent lieu à un recyclage de l'actionnariat, ce qui entraîne généralement des perturbations», prévient Marc Gagnon, gestionnaire de portefeuille à l'Industrielle-Alliance.

Quand on observe les conversions de fiducies qui ont déjà eu lieu, deux tendances se dessinent, dit-il.

Certaines entreprises restent assez fidèles à l'esprit d'une fiducie et continuent de redistribuer une large part de leurs profits, après leur conversion en corporation. Par exemple, Black Diamond a maintenu à environ 9% sa distribution après sa conversion. Pour les investisseurs, les titres deviennent des actions à dividendes élevés.

D'autres, au contraire, décident de réduire leur distribution, comme Transforce Income Fund. Ce sont des sociétés qui ont un potentiel de croissance significatif et qui préfèrent garder leur argent pour financer leurs projets.

Après leur conversion, elles n'offrent plus que le quart de leur ancienne distribution. Ce changement radical entraîne un renouvellement de l'actionnariat: les investisseurs qui avaient acheté pour la distribution élevée préfèrent vendre.

Cette conversion se fait parfois au détriment du titre. «Les premières qui l'ont fait sont passées dans le tordeur, dit M. Gagnon. Leur titre a baissé facilement de 25%. Maintenant que le phénomène est plus connu, le renouvellement se fait plus facilement.»

Mais cela ne signifie pas que ces entreprises doivent être reléguées aux oubliettes. Au contraire, M. Gagnon préfère les entreprises qui misent sur la croissance, quitte à verser une distribution ou un dividende plus terre-à-terre.

Au-delà de la distribution

«Il ne faut pas regarder juste le rendement de la distribution. Il faut pousser l'analyse plus loin», insiste Guy Côté. Selon lui, il y a de belles occasions d'achat parmi les fiducies, comme Bonavista Energy Trust, Vermilion Energy Trust ou ARC Energy Trust.

Mais avant d'investir, il faut se poser des questions cruciales:

> Est-ce que la société est très endettée?

> Est-ce que les profits sont constants?

> Est-ce que la part des profits remise aux investisseurs est raisonnable? Idéalement, le ratio ne doit pas excéder 90%... mais certaines vont jusqu'à 130%, ce qui est insoutenable.

> Quel est le potentiel de croissance? Par exemple, une société de gaz naturel ne pourra pas soutenir le même niveau de distribution, si ses réserves s'épuisent... à moins qu'elle fasse de nouvelles découvertes.

Par ailleurs, les amateurs de fiducies vont peut-être concentrer leur attention sur les fiducies immobilières (REITS) qui sont les seules à pouvoir conserver leur avantage fiscal. Cela pourrait stimuler leur titre. Mais la nature de leur activité pourrait contrebalancer l'effet de cette demande accrue.

L'immobilier commercial est souvent à la traîne par rapport au cycle économique, explique M. Gagnon. «Il faudra garder l'immobilier commercial américain à l'oeil, car cela pourrait refroidir les ardeurs des investisseurs au Canada», dit M. Gagnon.

Fonds communs de fiducies

La conversion des fiducies chambarde aussi l'industrie des fonds communs.

On dénombre encore une vingtaine de fonds de fiducies qui ont des actifs combinés de six milliards de dollars, note Christian Charest, rédacteur en chef adjoint chez Morningstar Canada. C'est deux fois moins qu'en 2006, alors que ce créneau comptait une quarantaine de fonds, avec des actifs dépassant 11 milliards.

Certaines familles ont éliminé leur fonds de fiducies en le fusionnant à un fonds plus diversifié, souvent un fonds de dividendes. D'autres familles ont modifié le mandat de gestion de leur fonds de fiducies.

Dans ce contexte, «le client doit savoir dans quoi il investit, comprendre le nouveau mandat de gestion du fonds, et revoir sa diversification d'actifs», dit Roland Sakha, directeur de produit, Solutions gérées, à la Banque Nationale.

La Banque vient justement de remanier ses 14 portefeuilles Méritage, qui sont composés d'une brochette de fonds étoiles de familles indépendantes de la Banque.

«On surveillait ça depuis 2006. Mais on ne voyait pas la nécessité de changer, car la plupart des fiducies ont conservé leur structure pour profiter de l'avantage fiscal jusqu'au bout», explique M. Sakha. Mais à l'approche de la date butoir, l'univers commençait à rétrécir.

Méritage a gardé le fonds Dynamique d'actions productives de revenus qui aura toujours une saveur de fiducie: le fonds contiendra 25% de REITS, et 75% de titres à dividendes. Par contre, Méritage a retiré le fonds de revenu mensuel II BMO Guardian, pour ne pas être sur-diversifié dans l'univers de titres à dividende.

Pour les investisseurs qui souhaitent aussi faire le ménage, voici quelques idées pour réinvestir:

> Fonds «carte blanche». Lancés récemment, ces fonds équilibrés sont une solution de rechange aux fonds de fiducies. Leurs gestionnaires peuvent piger dans la catégorie de leur choix, en quête du rendement le plus élevé possible (ex: Dynamique rendement stratégique, Catégorie Mackenzie Sentinelle revenu stratégique, Fonds de rendement diversifié CI Signature)

> Fonds de dividendes mondiaux (ex: CI mondial avantage dividendes élevés)

> Fonds d'obligations de sociétés de haute qualité

> Fonds d'actions privilégiées (ex: Fonds Omega d'actions privilégiées)

> Fonds spécialisé dans les REITS (ex: Sentry Select REIT)