Brigitte habite avec son nouveau conjoint depuis bientôt un an.

Divorcée depuis 2005, elle a 52 ans, deux enfants adultes, un passé assumé, un avenir qui se précise.

«Pendant les 24 années qu'a duré mon mariage, j'étais femme au foyer, donc sans revenu, confie-t-elle. Après quelques années difficiles, je peux dire maintenant que je m'en tire bien, avec un bon emploi et un salaire de 39 000$.»

Guy, son nouveau conjoint, est lui-même divorcé depuis 2000. Ses enfants, eux aussi adultes, sont ses seuls héritiers.

«Mais advenant le décès de mon amoureux, s'inquiète Brigitte, qu'advient-il de moi qui habite dans sa maison et qui ne fournit que l'argent pour les biens consommables, c'est-à-dire électricité, nourriture et ménage? Il veut bien m'aider et me donner une chance puisque je ne gagne pas autant que lui.»

Quelle forme prendrait cette chance? Comment permettre à Brigitte d'habiter la maison sans crainte qu'elle soit vendue par les héritiers?

Usufruit, pomme de discorde?

La notaire et planificatrice financière Guylaine Lafleur, de Bachand Lafleur Preston Groupe Conseil, présente d'abord la solution conventionnelle, selon laquelle le conjoint de Brigitte lui laisserait par testament l'usufruit de sa maison.

Elle occuperait les lieux, mais les enfants de Guy en demeureraient propriétaires. Ces derniers seraient responsables des travaux majeurs, et l'entretien serait à la charge de Brigitte.

«Les deux enfants de Guy n'auraient pas le choix de respecter ce droit octroyé à Brigitte, observe Guylaine Lafleur. Ce n'est cependant pas une garantie de bonne entente et les risques de conflits sont grands.»

En discutant avec Brigitte, la planificatrice financière a appris que Guy serait prêt à lui céder une partie de ses droits sur la maison, en proportion du nombre d'années de vie commune.

Son testament pourrait donc prévoir un legs progressif. Si Brigitte faisait vie commune avec lui depuis cinq ans au moment de son décès, il lui léguerait 25% de ses droits dans la maison. S'il décédait après 10 ans de bonheur conjugal, le legs s'élèverait à 50%, et ainsi de suite.

Pour lever toute ambiguïté, il serait préférable que le testament mentionne la date précise qui marque le début de leur vie commune.

Mme Lafleur suggère en outre d'inclure dans la convention de vie commune du couple la possibilité que Brigitte rachète à la valeur du marché les droits que détiendrait encore la succession de Guy.

Un budget très serré

«Cette solution est bien jolie, observe la notaire, mais Brigitte n'aura probablement pas les moyens d'acheter la part restante de la maison.» Elle ne possède en effet qu'un REER de 10 000$ et aucun actif. La solution: une assurance sur la vie de son conjoint, qui couvrirait le coût d'achat de la propriété. Heureusement, commente encore notre conseillère, Guy est en très bonne santé, donc assurable.

Brigitte a également formulé des inquiétudes sur sa capacité à assumer seule l'entretien de la maison, après le décès de son conjoint. Ces dépenses totalisent quelque 7000$ par année. Ici encore, notre conseillère préconise une assurance vie.

À titre indicatif, dans le cas d'un homme de 52 ans, non fumeur et en bonne santé, une assurance vie temporaire de 350 000$ coûte environ 1200$ par année pour un terme de 20 ans, et moitié moins pour un terme de 10 ans.

«Le fait d'acquérir une partie de la maison par legs aura pour effet de réduire graduellement le besoin d'assurance dans le temps, indique à ce propos Mme Lafleur. Par conséquent, il faudrait que le besoin en assurance vie soit réévalué régulièrement.» Encore une fois, le budget serré de Brigitte lui permettra-t-il de payer une prime de cet ordre? Peut-être Guy accepterait-il d'en assumer une partie.

Notre planificatrice a demandé à Brigitte si elle dégageait de l'épargne. «Elle m'a dit que oui, l'an passé, elle avait ramassé 1200$.»

Dans un REER? Non, cet argent a servi à payer un voyage. «Je lui ai expliqué que ce n'était pas de l'épargne, mais une dépense», narre Mme Lafleur.

Ébranlée, Brigitte lui a envoyé un courriel quelques jours plus tard pour lui annoncer qu'elle déposait désormais 20$ par semaine dans son REER.

Sa nouvelle vie s'organise. Son avenir aussi.