«Malgré un petit salaire, j'ai réussi à épargner», affirme Carole.

Un salaire de 38 000$.

Secrétaire dans une école primaire, mère seule, la femme de 61 ans a tout de même pu accumuler 250 000$ en REER et 100 000$ en épargnes non enregistrées.

C'est le résultat d'une discipline de fer et d'une attention aux questions financières... qui se transposent dans la précision de ses questions.

 

«Je songe à prendre une rente viagère (avec garantie de 5-10-15 ans) mais je crois que j'opterais davantage pour une rente adossée à une assurance-vie terme à 100 ans, ou assurance-vie universelle à taux nivelé garanti, écrit-elle. On me dit que l'on paie beaucoup moins d'impôts si on opte pour une rente dos-à-dos plutôt que d'investir dans un CPG.»

En somme, elle se demande si elle «devrait prendre sa retraite immédiatement, ou continuer à travailler tout en achetant une rente». Voilà l'occasion de démêler un peu ces notions.

Retraite à 61 ans?

En prenant sa retraite à 61 ans, Carole aurait droit à une rente du RREGOP (Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics) correspondant à 51% de son salaire. Cette rente serait coordonnée à la RRQ.

Avec la RRQ, les revenus de rentes, de 61 à 65 ans, atteindraient 25 643$. À partir de 65 ans, sa rente de la RREGOP diminuerait de 6763$, mais la prestation de Sécurité de la vieillesse commencerait à être versée, pour un revenu de rente presque identique de 25 083$.

De quelle façon les épargnes de Carole pourraient-elles accroître ce revenu?

Pour en faire le calcul, le planificateur financier Martin Dupras, vice-président chez Groupe Aon, a utilisé les normes d'hypothèses de projection de l'Institut québécois de planification financière. En 2009, ces normes recommandent un taux d'inflation de 2,25%. Pour un portefeuille équilibré, elles décrivent un rendement annuel de 4%.

Enfin, notre spécialiste suppose que le décaissement de ces épargnes s'étendra sur 35 ans, ce qui amène Carole à 96 ans.

Selon ces hypothèses, elle pourrait tirer de ses épargnes un revenu indexé d'environ 9500$ par année, pour un revenu de retraite total de 35 000$ avant impôt. À peine moins que son revenu actuel.

Devrait-elle y adjoindre une rente viagère?

Celle-ci présente l'avantage de procurer un revenu assuré, quelle que soit la longévité du rentier. Par contre, il s'agit d'une décision sans appel, et le rentier perd tout contrôle sur les actifs qu'il a cédés. C'est une précaution utile, «principalement dans des situations où les revenus récurrents demeurent relativement faibles - ce qui ne semble pas le cas ici», indique M. Dupras.

La rente dos-à-dos

Passons à la rente dite «dos-à-dos». Elle combine une rente viagère prescrite et une assurance-vie. Celle-ci, de même valeur que le capital cédé pour l'achat de la rente viagère, restitue ce capital lors du décès du rentier. Son avantage est de procurer un rendement légèrement supérieur à celui d'un placement garanti, en raison du traitement fiscal de ses parties constituantes.

Martin Dupras en donne un exemple fictif. Madame X place 100 000$ de ses épargnes hors REER dans un placement garanti (donc sans risque) qui procure un rendement annuel de 3%. En supposant un taux marginal d'imposition de 40%, madame recevrait après impôt 1800$ par année.

Investis plutôt dans une rente dos-à-dos, ces 100 000$ procureraient une rente viagère de 7500$ par année. Avec une rente prescrite (les impôts sont étalés également sur la période de versement), madame X toucherait après impôt 6600$ par année. Mais il faut ajouter la prime de l'assurance vie de 100 000$, qui soutire 3600$ par année. Le revenu net est donc de 3000$, supérieur aux 1800$ de la stratégie du placement garanti.

Dans les deux cas, le capital est récupéré. Mais encore une fois, la rente dos-à-dos fait perdre tout contrôle sur ce capital, et toute flexibilité sur son usage.

Puisque Carole voit déjà 70% de son revenu de retraite assuré par des rentes récurrentes, Martin Dupras estime qu'«il serait peut-être pertinent de ne pas souscrire de rentes viagères avec ses épargnes et de plutôt conserver mainmise sur celles-ci».

LA SITUATION

Malgré un salaire modeste, Carole a pu accumuler des épargnes substantielles. À 61 ans, elle songe à la retraite. Une rente viagère ou une rente dos-à-dos serait-elle appropriée?

«Une rente dos-à-dos me permettrait de laisser un montant plus intéressant pour mes enfants plutôt que d'en donner la moitié à l'impôt.» - Carole

LES DONNÉES

Carole, 61 ans

Salaire: 38 000$

REER: 250 000$

Épargnes hors REER: 100 000$

Propriété: valeur de 250 000$, libre d'hypothèque

Rente du RREGOP à 61 ans: 19 300$

LA RÉPONSE

Les rentes publiques et la rente du RREGOP assureront 70% de ses revenus de retraite, jusqu'à la fin de ses jours. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de recourir aux rentes viagères ou dos-à-dos.

«La rente viagère procure une très grande sécurité de revenu mais retire toute flexibilité quant aux avoirs.»

- Martin Dupras