Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Nadim Rizk, de Fiera Capital.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

C'est toute l'histoire entourant la Grèce, l'euro, les PIGS... un acronyme qui désigne le Portugal, l'Italie, la Grèce et l'Espagne (Spain), des pays qui sont tous assez endettés.

Mais c'est surtout la Grèce qui pose problème. Son taux d'endettement est très élevé (ses dettes dépassent son produit intérieur brut). Et son déficit s'élève à 13%. C'est comme si un individu gagnant 50 000$ par année, avait accumulé 50 000$ de dettes et continuait à dépenser 13% de plus que son salaire chaque année!

Mais, cette semaine, l'Europe s'est montrée prête à sauver la Grèce, pour assurer la stabilité du système monétaire. Car en Europe, les économies sont indépendantes, mais les pays ont une devise commune. Alors la Grèce peut s'endetter, dépenser tant qu'elle veut. Normalement, cela entraînerait une dévaluation de sa devise... mais ça ne se produit pas, car l'euro est relié à toute l'Europe.

Pour enlever de la pression sur le système, les pays forts comme l'Allemagne sont en train de financer la Grèce : le grand frère va aider le petit frère qui est allé jouer au casino, pour garder la famille unie. Cela coûtera environ 50 milliards en 2010. Mais ce n'est pas un montant qui est énorme, quand on pense à tout l'argent injecté dans les banques, durant la crise du crédit.

Que surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

L'Espagne. C'est une chose que la Grèce soit en quasi faillite, c'en est une autre que l'Espagne, dont la taille est beaucoup plus importante, n'arrive plus à se financer. Ce serait plus sérieux pour l'euro. Ce serait un choc qui changerait le sentiment des marchés. Je ne pense pas que cela se produira... mais il faut surveiller.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

On achète des actions de grandes entreprises, des blue chips qui versent des dividendes élevés. L'exemple par excellence, c'est la société pharmaceutique Johnson & Johnson, une multinationale solide, avec un niveau de risque de relative bas. Le rendement de son dividende (3%) est aussi élevé que le taux d'intérêt d'une obligation à long terme. La société jouit d'une cote AAA, et je pense que ça vaut même plus qu'un AAA du gouvernement. En achetant ses actions, les investisseurs ont le potentiel de croissance, en prime.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Il ne faut pas investir dans les obligations à long terme. Je sais que c'est le consensus et que, généralement, il ne faut pas le suivre. Mais cette fois, je pense que le consensus a raison. Acheter des obligations de 20 ans qui versent 3%, ce n'est pas l'aubaine du siècle.

Vaut mieux rester dans du marché monétaire, qui se réévaluera relativement vite. Déjà on le voit. La Fed a haussé les taux de 0,25% cette semaine, ce qui était prévu seulement pour mars. On voit la Banque centrale australienne remonter les taux. Je pense que le Canada va suivre.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Il y a un potentiel d'inflation que les gens ne voient pas venir. En général, il y a très peu d'inflation après une crise ou bulle. On se dit qu'il est difficile d'avoir d'inflation quand le taux de chômage est à 10%... et c'est vrai. Mais les coûts de financement vont augmenter, quand la Fed et la Banque du Canada vont relever les taux. Les hypothèques, les prêts... tout va coûter plus cher.