Emballer du vide pour faire grande impression

C'est ce qui s'appelle une apparence trompeuse. Tout porte à croire qu'elle est volontaire.

L'emballage Energizer, accroché à une tringle du présentoir, montre dans sa fenêtre une belle rangée de piles AAA, alignées comme au régiment. Vu l'épaisseur de la boîte, équivalente à deux piles, nul doute qu'un deuxième rang se dresse vaillamment derrière le premier. Belle aubaine pour le prix affiché!

Ce n'est qu'une fois la boîte en main que la lumière se fait. Le code inscrit au coin de l'emballage, AAA-8, indique le nombre de piles qu'il contient. Huit piles. Pas le double, comme on est incité à le croire.

 

Nulle part on ne trouve une autre description immédiatement intelligible, du type «Contient huit piles» ou «8 piles AAA».

À l'intérieur, les piles sont délicatement déposées dans une barquette de plastique, qui occupe la moitié de l'emballage. Ce n'est certainement pas pour protéger un contenu fragile ou faire une présentation soignée, comme dans une boîte de chocolats.

L'emballage est nettement conçu pour donner une fausse impression.

Renaud Legoux, professeur en marketing à HEC Montréal, n'a pas réussi à trouver d'autres justifications.

«Habituellement, il y a deux raisons pour lesquelles on grossit la surface de l'emballage», explique-t-il. La première: «Pour occuper plus d'espace tablette.»

Ce n'est pas le cas ici. L'emballage est enfilé sur une tringle et c'est la profondeur de la boîte qu'on a doublée, plutôt que sa face avant.

«Pour les petits objets, un grand emballage sert d'antivol, poursuit-il. On ne peut pas glisser dans notre poche un emballage qui fait 6 po sur 12, alors qu'il ne contient qu'une petite clé USB.»

Encore une fois, l'explication ne s'applique pas à nos piles. Il n'y a qu'une conclusion. «Je crois vraiment qu'on est en train de jouer sur la perception de volume, la perception de quantité.»

 

Piles de biscuits

Un autre exemple d'emballage qui se gonfle la poitrine?

Les biscuits truffés de la gamme Célébration, de Leclerc.

Dans la barquette de plastique, ces petits galets denses et compacts sont présentés en six courtes piles, en apparence de même hauteur. Mais les deux emplacements du centre sont moins profonds et ne contiennent que deux biscuits plutôt que quatre.

Ici, on soupçonne une intention différente. Plutôt que laisser croire qu'il y en a plus, on ne veut pas donner l'impression d'en offrir moins.

Car les 20 biscuits auraient pu être déposés en deux rangs serrés. La boîte aurait cependant été 35% plus petite, ce qui la ferait mal paraître auprès de ses concurrents.

Autre explication: les différents biscuits de la collection Célébration sont tous présentés dans des boîtes de 300 g de dimensions similaires. Des biscuits de densité différente peuvent ainsi occuper un même espace sur la tablette. Résultat, les gaufrettes sont serrées comme des sardines anorexiques, et les biscuits truffés prennent des aises de pachas bouffis.

Ajoutez encore les considérations de gestion. «On veut avoir des boîtes de même volume parce que c'est plus facile à gérer en entrepôt», rappelle Renaud Legoux.

C'est l'argument avancé par Marie-Josée Massicotte, directrice des communications de Leclerc, qui évoque tout d'abord des contraintes d'équipements de production. Elle reconnaît ensuite la préoccupation de l'espace tablette. «On est une entreprise qui vend des biscuits, dit-elle. L'impact en tablette doit être important, c'est certain. Mais tout en donnant la priorité au virage vert.»

Virage vert?

Biscuits Leclerc a engagé une personne chargée spécialement des questions de développement durable, notamment en regard des emballages. «Son rôle sera de voir comment les uniformiser d'une usine à l'autre en facilitant la production, en fonction de notre équipement, en favorisant le virage vert, et de s'assurer qu'il n'y a pas d'éléments trompeurs.»

Il a des biscuits sur la planche.