Durant les Fêtes, peut-être êtes-vous allé au Walt Disney World Epcot, en Floride. Si vous avez visité la sphère géodésique Spaceship Earth, vous avez mis le pied dans un des univers de Luc Mayrand.

Vous y avez fait un voyage dans le temps en passant par les grandes étapes de la communication humaine, et vous vous êtes entrevu dans un avenir modelé par vous-même.

«On a mis au point une manière de capturer les images des gens, pour les mettre dans une animation créée selon les choix qu'ils ont faits dans le circuit», décrit le designer québécois.

Luc Mayrand était responsable de la conception des éléments visuels de cette attraction, dévoilée en février 2008.

Il est directeur de création et producteur pour les attractions chez Walt Disney Imagineering, la filiale qui se consacre à la conception des parcs thématiques et projets de villégiature du colosse du divertissement.

Âgé de 46 ans, le designer originaire de Montréal a grandi avec Manic 5, Expo 67, la course à la Lune, et la construction du Stade olympique, dont il suivait le chantier avec passion. «Ces choses m'ont formé à penser que tout était possible», raconte-t-il.

L'avenir lui a donné raison.

Derrière le décor

Au terme de ses études à l'École de design industriel de l'Université de Montréal et au Art Center College of Design de Pasadena, en 1985, ce dessinateur inspiré, au coup de crayon chirurgical, a immédiatement été aspiré dans la galaxie cinématographique.

Pendant 12 ans, comme pigiste ou à l'emploi de producteurs comme Landmark Entertainment Group, il a dessiné ou dirigé la conception d'innombrables décors, costumes, et attractions diverses. Le défi est stimulant: les engins et appareils doivent être spectaculaires et évoquer l'avenir, mais dégager en même temps une impression de fonctionnalité. Autre contrainte, dans l'ère pré-numérique: il fallait pouvoir les fabriquer en respectant les budgets.

Les concepteurs comme Luc Mayrand sont des machines à idées. La création est leur obsession. La quête de l'inédit est permanente. M. Mayrand se lève encore la nuit pour noter une idée surgie... d'il ne sait où.

Il faut aimer vivre avec l'incertitude et l'inconstance. Pour 100 projets proposés, 10 seront développés, un seul réalisé. Une série télévisée peut être annulée du jour au lendemain. Ils sont engagés «pour inventer des choses», sur la seule foi de leurs réalisations précédentes. Un simple dessin peut valoir un contrat, comme lorsqu'il a présenté des esquisses d'armures inspirées du livre Spaceship Troopers au producteur qui l'adaptait pour le cinéma. «Ils ont regardé ce que j'avais fait et ils m'ont dit: Tes armures et tes power suits sont super, on veut que tu travailles sur le projet. Mais il faut que tu saches que les power suits ont été éliminés du film.»

Dans le manège

Luc Mayrand est monté dans le manège de Walt Disney Imagineering en 1998. Dans son bureau californien, une montagne russe en meccano fait écho à la tour Eiffel de 6 pieds de hauteur qu'il avait construite enfant. On y trouve quelques maquettes d'engins intersidéraux, de nombreux livres pour nourrir l'imagination, deux grands écrans d'ordinateur. Et une table à dessin, qui sert toujours. Car s'il maîtrise plusieurs logiciels de conception et d'illustration, il n'a pas pour autant délaissé le crayon.

«L'esprit humain fonctionne tellement vite, quand on est dans une session de création! lance-t-il. C'est merveilleux comment les êtres humains peuvent se mettre en phase et couvrir un immense terrain dans l'imaginaire. S'il fallait à chaque fois s'arrêter, ouvrir un logiciel et construire quelque chose en 3D, on serait encore pris avec l'idée d'il y a une demi-heure. À la main, on peut couvrir beaucoup plus d'espace.»

Dans ces réunions enfiévrées, une nouvelle attraction naîtra à l'intersection de trois vecteurs: un concept, une technologie, un scénario. Importante, l'histoire. Il faut un scénario solidement structuré, dans lequel le visiteur aura son mot à dire. «On ne fait plus d'attractions comme il y a 20 ou 30 ans, soutient Luc Mayrand. La part de l'usager est beaucoup plus grande.» Ainsi, dans l'attraction pour enfants Toy Story Midway Mania, à Walt Disney World, le parcours est ponctué d'une série de jeux vidéo, perçus en trois dimensions grâce aux lunettes prêtées aux visiteurs.

Le secret d'une attraction efficace réside dans l'ajustement sans faille ni incongruité de toutes les pièces de cet univers inventé. «Les visiteurs sont tellement plus sophistiqués, souligne le designer. Ils reconnaissent immédiatement quand quelque chose n'a pas été pensé suffisamment.»

Pour Mission Space, qui simule l'entraînement d'un équipage en vue d'une expédition vers Mars, des consultants de la NASA ont même été engagés pour valider les hypothèses de travail...

«Ce sont des projets très complexes et qui amènent des équipes énormes à travailler ensemble, poursuit-il. Ça demande une certaine sorte d'organisation dans l'incertitude. On ne sait pas exactement où on part ni où on va arriver.»

Au fil des projets, il a résidé en France, en Corée, au Japon, où il est resté deux ans, et dont il est revenu une conjointe au bras. «Travailler à l'étranger m'a donné une confiance incroyable en la bonté des humains, assure-t-il. Il y a du bon monde partout.»

Luc Mayrand planche actuellement sur le nouveau projet de parc thématique de Walt Disney, à Shanghai, «dans une zone complètement différente de ce que j'ai fait auparavant, simplement parce qu'on a confiance que je vais réussir à inventer quelque chose de vraiment nouveau».

Un autre plongeon dans l'avenir.