Johanne et Louis sont conjoints depuis 10 ans. À l'époque, elle avait 40 ans, et lui, 14 de plus.Ils ont acheté une maison en commun en 2000, dans laquelle ils ont ensuite investi 130 000 $ en rénovation. Mais la vie peut bouleverser les plans les mieux conçus.

Louis a fait deux AVC en 2006. « Nous avons dû déménager à cause de la paralysie de mon mari, raconte Johanne. Il a fallu nous résigner à vendre à cause des escaliers nombreux dans la maison. Nous avons acheté un plain-pied, c'est la raison de l'hypothèque à payer car nous n'avons jamais récupéré l'investissement en rénovation de notre ancienne maison où nous devions finir nos jours... C'est la vie ! »

La nouvelle propriété, achetée en janvier 2008, a nécessité un emprunt de 270 000 $, amorti sur 25 ans.

Johanne gagne 110 000 $ par année. Louis, maintenant âgé de 64 ans, a pris une retraite forcée. Avec la rente de retraite de son ancien employeur et la rente d'invalidité de la RRQ, il touche un revenu annuel d'environ 49 000 $. Quand il parviendra à 65 ans, en 2010, ses revenus diminueront de 7000 $.

Johanne prévoit le rejoindre dans une dizaine d'années, quand elle aura franchi la soixantaine. Elle aimerait que leur hypothèque soit alors acquittée. Mais elle souhaite également rattraper ses 35 000 $ de droits de cotisation inutilisés. Où lui faut-il mettre la priorité ?

Les priorités

En faisant abstraction des dettes, le coût de vie du couple avoisine 50 300 $. « Nous voyageons pour à peu près 6000 $ par année et c'est notre grande passion, confie Johanne. Nous ne pouvons pratiquer aucun sport, et avons donc très peu de dépenses autres que les voyages. »

REER ou hypothèque ? La planificatrice financière Marguerite Pernice, de Banque Nationale Groupe financier, a fait des projections pour apporter une réponse. Sur la base des principes financiers, la conclusion est nette : « Le couple doit prioriser le remboursement de ses dettes car aucune de ces dernières n'est déductible d'impôt et de plus, compte tenu de leur profil d'investisseur, leur taux d'emprunt est supérieur au taux de rendement espéré sur leur REER et sur tout investissement non enregistré. »

Ce rendement avoisine 4,5 % pour les investissements enregistrés et 3 % pour les autres.

Dans sa projection, comme Johanne le souhaitait au départ, Mme Pernice accélère - théoriquement - le remboursement de l'hypothèque pour le ramener sur dix ans. Avec le taux de l'hypothèque actuelle de 6,75 %, les nouvelles mensualités hypothécaires totaliseraient 35 845 $ par année.

Le couple veut également rembourser à train accéléré sa marge de crédit de 20 000 $, à raison de 1000 $ par mois. À ce rythme endiablé, cette dette serait acquittée en octobre 2011.

C'est à ce moment que cet effort serait déplacé vers les REER de Johanne, qui y consacrerait les mêmes 1000 $ mensuels.

Pour les deux prochaines années, ces mesures gonfleraient le budget familial à 98 195 $, tout juste sous le revenu disponible de 99 180 $.

Le REER de Johanne contient 80 000 $. Elle détient en outre 275 000 $ dans un REER collectif, auquel contribue son employeur, en proportion des versements de Johanne, jusqu'à concurrence de 2 % de son salaire annuel. Marguerite Pernice conseille à Johanne « d'investir le maximum annuel permis dans ce REER collectif et de profiter de la contribution de l'employeur. Elle doit également maximiser sa cotisation annuelle à son REER jusqu'en 2019, l'année où elle cessera de travailler. »

À ce régime, un mince surplus annuel d'environ 1000 $ se dégagera de 2010 à 2014. Les études de la fille de Johanne, auxquelles elle contribue pour 6000 $ par année, seront alors terminées, allégeant d'autant le budget familial. Les droits de cotisation au REER accumulés auront alors été utilisés, et la marge de crédit, remboursée. Un surplus budgétaire de quelque 23 000 $ apparaîtra chaque année entre 2014 et 2019. Les plus sains principes financiers veulent que ces excédents soient alors prioritairement versés dans les CELI du couple.

Quand Johanne prendra sa retraite, en 2020, l'hypothèque aura été acquittée. Les deux conjoints, désormais tous deux retraités, seront en mesure de conserver le même train de vie, les revenus équilibrant les dépenses. Lorsque Johanne commencera les retraits obligatoires de ses REER, les surplus budgétaires qui en découleront seront à nouveau prioritairement versés dans les CELI.

Avec ces strictes mesures, le patrimoine du couple aura atteint 270 0000 $ - sans compter la propriété - quand il y aura 80 % de probabilités que les deux conjoints soient décédés, en 2054.

Dans une simulation supplémentaire, notre planificatrice s'est demandé combien le couple pourrait dépenser de plus pendant la retraite de Johanne, de telle manière que le patrimoine financier soit à sec en 2054. La réponse : 23 000 $ par année, avec une indexation de 2,25 %.

Puis elle a formulé la question fondamentale : « Dans cette situation, est-il vraiment pertinent d'appliquer à la lettre les principes financiers ? »

Louis, de 14 ans plus âgé que Johanne, a déjà atteint 64 ans et est touché par la maladie. Pourquoi ajouter autant que 1000 $ par mois au paiement hypothécaire afin de dégager d'importants surplus budgétaires dans dix ans ?

C'est maintenant que Louis a le plus de chances de profiter d'une belle qualité de vie.LA QUESTION

Suite à deux ACV qui ont laissé Louis partiellement paralysé, le couple a été forcé d'abandonner la maison où ils venaient d'investir 130 000 $ en rénovation, pour s'acheter une maison de plain-pied. La nouvelle hypothèque de 270 000 $ est amortie sur 25 ans. Mais Johanne veut prendre sa retraite dans dix ans, alors que ses REER ont du retard.

« Nous avons besoin de vos conseils pour savoir quoi faire en premier lieu. »

- Johanne

LES DONNÉES

Louis, 64 ans, retraité

Revenus de rentes actuels : 49 000 $

Revenus de rentes à 65 ans : 42 000 $

REER : 56 000 $

Johanne, 50 ans

Revenus : 110 000 $

CRI : 275 000 $

REER : 80 000 $

Droits de cotisation REER inutilisés : 35 000 $

Propriété : valeur de 349 000 $

Solde hypothécaire : 270 000 $

LA RÉPONSE

Avec un budget serré, le couple peut ramener le remboursement de l'hypothèque sur dix ans et lancer le rattrapage du REER. Mais la logique financière est aveugle.

« Est-ce qu'il vaut la peine d'appliquer à la lettre tout les principes financiers alors que les plus belles années de Louis seront peut-être les cinq prochaines ? »

- Marguerite Pernice

Marguerite Pernice est Directrice principale, vente et service aux particuliers et entreprises, région de Montréal chez

Banque Nationale Groupe Financier