Animé et souriant, le jeune couple quittait un magasin d'électronique, des paquets sont le bras.

«Vous avez acheté un Wii?»

«Non, deux», répond Élise.

Deux plateformes Wii Fit, à 100$ pièce. Des cadeaux qui semblent coûteux pour deux étudiants de 22 ans, déjà mariés depuis deux ans. Une grosse année? «Non, une petite année», réplique encore Élise.

«On ne donne plus de cadeaux, dans nos familles, on ne fait qu'un échange», explique Simon. Un seul mais un vrai: la barre est placée à 100$. «On a augmenté le prix de l'échange et on a abandonné le restant des cadeaux.»

La formule a été instituée l'an dernier. «Ça a été un hit», lance le jeune homme. Le programme fonctionne désormais aussi bien dans la famille d'Élise que celle de Simon. Un Wii d'un côté, un Wii de l'autre.

C'est un phénomène qui semble se répandre, si on en croit Youssef Laklai, commis au magasin La Source du complexe Desjardins. «Comparativement à l'année dernière, soit les cadeaux sont plus chers, soit il n'y en a pas. Ce n'est pas comme l'an passé, où la valeur tournait autour de 40$ à 50$. Cette année, c'est tout ou rien.»

Chez Renaud-Bray, toujours au complexe Desjardins, les ventes, à une semaine de Noël, sont semblables à celles de l'an passé. Ici, les traditions se perpétuent. «Je suis toujours surpris de voir à quel point les gens achètent des petits objets à peu près inutiles pour le fameux bas de Noël», constate le commis Louis-Martin.

Pourtant, la moitié des Québécois prévoyaient dépenser moins qu'à l'habitude pour les Fêtes, et un sur quatre n'avait pas l'intention d'acheter de cadeau. Ce rétrécissement de la hotte du père Noël avait été annoncé, au début de décembre, par le nouvel indice mensuel RBC des perspectives de consommation au Canada. Alors que les Canadiens pensaient consacrer 1218$ aux cadeaux, décorations et réceptions, les Québécois, plus frugaux ou moins confiants, planifiaient de n'y employer que 778$.

Les Québécois sont aussi moins nombreux que les Canadiens (23% comparativement à 27%) à prévoir une amélioration de leurs finances personnelles au cours des trois prochains mois. Robert Hogue, économiste principal chez RBC, ne s'en étonne pas. «Une reprise semble s'installer partout au pays, mais au Québec, il semble qu'il y ait eu un certain décalage dans le cycle économique, observe-t-il. Peut-être que l'humeur des Québécois le reflète.»

Un avis d'expert

Nous avons consulté un expert à ce propos. L'EXPERT. Le père Noël du complexe Desjardins, souriant derrière sa barbe blanche... véritable. Il a soulevé sa toque pour en faire la preuve, montrant une belle et abondante crinière couleur de neige. Invitant le journaliste à s'asseoir, le vieillard aux accueillants genoux a prudemment indiqué un siège à côté de son trône.

M. Desjardins - c'est son nom - est père Noël depuis cinq ans, après une carrière dans les sciences humaines et l'éducation. Il en a tiré une sensibilité certaine aux demandes des enfants... et au langage, verbal ou non, de leurs parents.

«Je perçois que les gens sont dans l'esprit des Fêtes, mais on sent l'inquiétude financière», nous informe le céleste cocher. «Je le sens par le comportement des gens, comment ils agissent avec leurs enfants. Par exemple, les enfants vont demander beaucoup de jeux électroniques, des Wii et autres. Les parents interviennent et disent: vous savez père Noël, ça coûte cher et peut-être qu'on pourra avoir d'autres cadeaux sous le sapin.»

Les parents diront encore: «Ta liste est très longue, est-ce que tu pourrais dire au père Noël lequel des cadeaux tu préfères, sur ta liste?»

«Quand on pose cette question à l'enfant, vous seriez surpris de voir à quel point il ne choisit pas nécessairement le cadeau le plus cher, souligne le... le ludologue. C'est extrêmement étonnant.»

Le ramoneur universel a perçu une autre influence, au moment où le défilé du père Noël a lancé la longue célébration de la consommation. «À la mi-novembre, nous étions dans la peur du syndrome A (H1N1) et ça a sensibilisé les gens, inconsciemment peut-être, à des valeurs un peu plus fondamentales.»

L'esprit des Fêtes ne disparaît pas. Il se transforme. Ou renaît, comme chez Danielle, nouvelle grand-mère d'un premier petit-fils, âgé de 3 mois. Chez Renaud-Bray, elle cherchait un livre d'enfant. Pour son petit-fils? Non, pour sa fille, afin de lui rappeler ses lectures d'enfance.

À l'intention de son petit-fils, elle avait déjà acheté deux jouets, sélectionnés dans le guide Protégez-vous. «On s'arrête difficilement quand c'est un premier, confie-t-elle. On reprend la roue et on est tout enthousiaste.»

Après une pause, elle ajoute: «On reprend, parce qu'après 30 ans, on a oublié.»

Jamais totalement.