Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Landry, du Groupe Fonds des professionnels...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Ce qui a retenu notre attention, ce sont les premières demandes de prestation d'assurance-chômage qui ont baissé à 460 000. C'était la première fois depuis un bon bout de temps qu'elles diminuaient sous les 500 000 (on était à 650 000 au pire de la crise). En dessous de la barre de 450 000, on commence à parler d'un retour de la création d'emplois aux États-Unis.

Par contre, ce qui nous dérange, c'est que le taux d'intérêt sur les obligations américaines de 2 ans, qui reflète bien les intentions de la Réserve fédérale (FED), est passé de 1% à la fin octobre, à 0,75% aujourd'hui.

Cela signifie que le marché obligataire ne croit pas à des hausses de taux l'an prochain. Le marché voit des risques de déflation et une croissance économique faible. Au contraire, l'or à plus de 1180$US l'once, nous dit qu'il y aura de l'inflation. Et les marchés boursiers sont aussi très positifs.

Il y a beaucoup de contradictions dans les marchés. Qui dit vrai?

Le marché obligataire a souvent raison! Mais ça peut jouer deux côtés.



Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

L'indice ISM manufacturier US est l'indicateur précurseur le plus important, selon nous. Les statistiques seront publiées la semaine prochaine. On devrait avoir un chiffre autour de 55. En bas de 50, on commence à s'inquiéter et en dessous de 40, on est en récession. D'autre part, on commence aussi à s'inquiéter quand l'ISM dépasse 60, car on sent que l'économie a atteint son plein potentiel.



Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?


Je pense qu'il faut investir dans les actions. D'abord, nous sommes très positifs pour les marchés émergents. La croissance économique va venir là-bas. Il faut absolument y être présent, par exemple avec un fonds indiciel.

Au Canada, si on croit au pétrole, Canadian Natural Resources a de très belles perspectives. Les grosses dépenses sont derrière. Ils récoltent le fruit de leurs investissements. Chaque 10$ d'augmentation du prix du pétrole se traduira par une augmentation de 12$ du prix de l'action.

Du côté des services financiers, l'action de la Banque TD est sous-évaluée par rapport aux autres banques canadiennes. Il y a des inquiétudes à cause des risques de détérioration des prêts commerciaux aux États-Unis, où la Banque TD est présente. Mais je pense que c'est surfait.

Puis en technologie, le titre de Research in Motion fait aussi face à beaucoup d'incertitudes, à cause de l'arrivée de concurrents au BlackBerry. Mais les téléphones intelligents ne représentent qu'une part infime du marché des cellulaires: donc le potentiel de croissance est énorme. Et l'action se transige à seulement 14 fois les profits.



Quel placement évitez-vous à tout prix?


Les REITS (fiducies immobilières) aux États-Unis. L'immobilier commercial est à risque, comme on l'a vu, cette semaine, à Dubaï où l'on développe un énorme projet d'île en forme de palmier. Il y avait des obligations qui arrivaient à échéance le 14 décembre. Mais ils ont dû réorganiser la dette, en prolongeant l'échéance au moins jusqu'en mai 2010.

Dans l'immobilier commercial aux États-Unis, il y aura 1,4 trillions d'obligations qui viendront à échéance d'ici trois ans. Ce n'est pas évident que les banques vont vouloir les refinancer au même niveau, surtout que le prix des édifices a baissé de 41% depuis le sommet. Et surtout que les investisseurs qui rachetaient les titres sont beaucoup moins intéressés.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les investisseurs ont vécu beaucoup d'anxiété avec la crise financière et le plongeon de la Bourse. Maintenant, certains n'attendent que de récupérer leur mise pour vendre leurs actions.

Mais ce qu'il faut évaluer, ce sont les perspectives des différentes catégories d'actifs. Sur le marché obligataire, les taux sont à 3%. Sur les marchés monétaires, c'est zéro. Tandis qu'à la Bourse, on peut s'attendre à un rendement annualisé de 10% d'ici trois ans.

Je pense que les gens sous-estiment le potentiel de la Bourse. Il faut rester encore dans les actions. On est entre la sixième et la septième manche, mais pas à la neuvième. La partie est avancée, mais elle n'est pas terminée. Il est trop tôt pour sortir.