«On est allés se coucher un peu de mauvaise humeur.»

Mario Gagnon, président d'Alto Design, venait d'apprendre que le support d'affichage pour les toits de taxis serait rectangulaire.

Alto Design et la firme de communication Imago avaient le mandat de concevoir un panneau publicitaire lumineux, sur lequel s'intégrerait harmonieusement le lanternon emblématique de la voiture taxi.

Le commanditaire, Taxicom, une nouvelle entreprise québécoise fondée en 2008, a signé des ententes exclusives avec 90% des compagnies de taxis de l'île de Montréal pour l'installation de cet appendice.

Alto Design en avait d'abord dessiné de fort jolis, tout en longues courbes profilées qui épousaient la courbure du toit de la voiture.

Mais ce subtil profil aérodynamique contraindrait les affiches qui s'y apposeraient à adopter un format effilé peu conventionnel. «Un annonceur déploie sa campagne sur plusieurs supports médiatiques, explique Carl Gagnon, président d'Imago. On ne voulait pas arriver avec un nouveau format qui constituerait un frein.»

Néanmoins, Alto Design et Imago voulaient faire mieux que deux panneaux rectangulaires mis dos à dos et plantés sur un taxi comme une crête de coq.

La solution a surgi lors d'une séance de remue-méninges. «On avait de petits rectangles à l'échelle, qu'on tordait et «twistait»», décrit Catherine Turgy, une des designers, avec Jean-François Lebeuf et Benoît Orban. Ils se sont aperçus qu'en imprimant une torsion à ces petits rectangles, on donnait une courbe à leurs arêtes. Bingo. Le principe a été appliqué au support d'affichage, dont le concept a été dévoilé le 16 novembre dernier.

Ce support montre sur l'avant une arête verticale, à peine évasée, et sur l'arrière, un embout en forme de triangle. Entre cette «étrave» et cette «poupe», toutes deux en plastique noir, le corps lumineux du module, comme une coque renversée, porte sur ses flancs les deux panneaux publicitaires.

Au contraire des supports d'affichage américains, qui apparaissent comme d'imposants dômes, lumineux sur toutes leurs faces, cette configuration fermée par des embouts sombres fait preuve d'une - relative - discrétion. «Le support disparaît et laisse toute la place à la publicité», fait valoir Mario Gagnon.

Le corps central du support sera moulé par rotomoulage en polyéthylène, formant ainsi une cage étanche. Son éclairage est fourni par une rampe de diodes électroluminescentes, qui consomme trois fois moins d'énergie qu'un unique lanternon.

Sur le triangle arrière, un chauffeur en détresse peut faire apparaître et clignoter en rouge le numéro 911.

Le lanternon, simple pavé épuré aux angles arrondis, se fixe en travers de l'arête frontale, d'où il se projette en porte-à-faux. Sa surface sera recouverte d'une pellicule imprimée aux couleurs de la compagnie de taxi. La forme de son lanternon actuel pourra y être suggérée par le graphisme.

Car des tests visuels ont ménagé une surprise: la silhouette du lanternon est une de ses caractéristiques les moins significatives. «La coloration, le nom de la compagnie et le numéro de téléphone sont ce que les consommateurs retiennent», informe Carl Gagnon.

Lors de la présentation, Mario Gagnon - qui dort désormais d'excellente humeur - a montré les flancs voilés du support, qui suivent parfaitement la courbure du toit du taxi. Il a souligné son arête supérieure, qui s'étire comme une longue ellipse. Bref, si l'affiche est un rectangle, son support est tout de même profilé.

On peut discuter de l'intérêt de voir circuler un autre placard publicitaire dans un milieu urbain qui en est déjà saturé. Mais s'il faut en venir là, aussi bien que ce soit fait avec élégance, plutôt qu'improvisé avec des panneaux de contreplaqué.