Paul ne veut pas dépouiller ses enfants pour vêtir sa seconde conjointe. Ni l'inverse, d'ailleurs.

Âgé de 60 ans, il est marié en secondes noces à Geneviève, elle-même au début de la cinquantaine. Il est le père de deux jeunes gens de près de 30 ans, issus d'un premier mariage.

«Ma conjointe souhaite, pour des raisons de sécurité, que la maison que nous habitons et qui m'appartient lui revienne à mon décès, expose-t-il. Elle voudrait que j'inscrive cette propriété à son nom, car elle ne veut pas être évincée après mon décès par mes jeunes pour des raisons d'héritage.»

Geneviève, qui n'a pas d'enfant, maintient d'excellentes relations avec ceux de Paul. Elle suggère que tous les autres biens leur soient légués.

Paul tient à assurer une certaine sécurité à Geneviève, mais sans désavantager indûment ses enfants. S'il lui cède une part de la maison, il craint, au cas où Geneviève décéderait prématurément, de se trouver à la merci de ses héritiers.

Et à l'inverse, «sa sécurité étant essentielle pour moi, je ne souhaite pas qu'elle soit évincée à mon décès, par mes propres héritiers», énonce-t-il.

Dilemme...

Un toit sans tuiles

La notaire Denise Archambault a démêlé quelques fils de l'écheveau. Première constatation, Paul est seul propriétaire de la maison, qu'il a acquis avant son mariage avec Geneviève.

Que se passera-t-il en cas de décès ? Il faudra d'abord régler la question du régime de la société d'acquêts, en vertu duquel la valeur des biens acquis durant l'union est partageable pour moitié.

On partagera ensuite le patrimoine familial, principalement constitué ici de la plus-value accumulée durant l'union sur la résidence familiale, de la valeur des véhicules, et des fonds et épargnes de retraite engrangés pendant le mariage.

Ensuite seulement, «on appliquera les volontés du défunt, exprimées dans son testament», précise Me Archambault.

Ce testament pourrait accorder à Geneviève un droit d'usage et d'habitation dans la propriété dont hériteraient les enfants. Mais notre notaire déconseille cette solution. Elle ne rassurait aucunement Geneviève sur son avenir, car Paul pourrait modifier son testament en tout temps. C'est en outre une infaillible recette de conflit. «Lui donner un droit d'usage pour les 25 prochaines années, voire davantage, et piger dans les poches des enfants à chaque réparation importante? Ce n'est pas vivable», souligne la juriste.

Non, Me Archambault suggère plutôt une autre avenue.

Elle propose que Paul cède à Geneviève une part de sa propriété pour une somme symbolique. Simultanément, les deux conjoints signeraient une convention de copropriétaires, qui établiraient les «règles du jeu» que voici.

S'il y a rupture, Geneviève s'engage à rétrocéder sa part de la propriété à Paul, pour la somme symbolique de 1$. «Elle conservera quand même toujours ses droits dans le partage du patrimoine familial, donc de la plus-value de l'immeuble», rappelle la notaire.

Si Geneviève décède la première, Paul pourra racheter auprès de ses héritiers sa part de l'immeuble, pour la même somme de 1$.

Si Paul meurt avant elle, Geneviève pourra racheter la part du défunt à ses héritiers, toujours pour 1$. Il y aura une condition, cependant: elle devra renoncer au partage des acquêts et du patrimoine familial. En retour, le liquidateur de la succession lui remettra tous les REER de Paul.

Toutes ces clauses feraient l'objet d'un contrat en bonne et due forme, qui ne pourrait être modifié que par le consentement et la signature des deux parties. «Dans le contexte, c'est pour Geneviève la garantie absolue de ne pas être délogée au décès de Paul», assure Denise Archambault.

De son côté, dans son testament, Paul lèguerait tous ses actifs à ses enfants - notamment une police d'assurance et un immeuble locatif -, à l'exception de ses REER, qui seraient dévolus à Geneviève. Le testament stipulerait que «cette répartition se fera à la condition que madame renonce au partage de la société d'acquêts et au partage du patrimoine familial», précise la notaire.

«Sachant que si elle lui survit, elle aura droit à une rente de conjoint survivant de la RRQ et aux prestations du régime de retraite de Paul, en plus de ses propres économies, Geneviève devrait être sécurisée.»

Paul, lui, sera rasséréné.



LES DONNÉES


Marié en secondes noces et père de deux enfants d'un premier mariage, Paul veut planifier le legs de ses biens, tout spécialement sa maison.

«Comment assurer que ma conjointe demeure en toute quiétude chez elle, tout en permettant à mes jeunes d'avoir accès à leur patrimoine familial sans être à la merci d'un tiers.»

LES DONNÉES

Paul, 60 ans

Revenu: 100 000$

Propriété: valeur de 450 000$

REER: 150 000$

Épargnes: 50 000$

Assurance vie: 400 000$, réduite à 200 000$ à la retraite

Autres biens: immeuble locatif

Geneviève, 51 ans

Revenu: 57 000$

Actifs divers: 35 000$

LA RÉPONSE

Paul devrait céder à Geneviève la moitié de sa propriété. Une convention de copropriétaires prévoirait les diverses issues, pour protéger à la fois Geneviève, Paul et ses héritiers.

«Si vous ne sécurisez pas votre conjointe, ça va aller très mal dans le ménage, et ça, ça n'a pas de prix.»

- Denise Archambault, notaire