Le prix des maisons a explosé ces dernières années, au grand plaisir des propriétaires. Malheureusement, cette croissance n'est pas éternelle. Certains économistes s'attendent maintenant à ce que le prix des maisons progresse plus modérément ou stagne. Voici pourquoi.

D'abord, un petit rappel. Depuis 10 ans, la valeur des maisons a crû plus vite que l'inflation à tous les ans. Alors que l'Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté d'environ 2% par année, le prix des maisons au Québec n'a jamais été inférieur à 3,5% depuis 2000.

La meilleure année a été 2002, avec un bond de 16%. Par la suite, les maisons ont continué de prendre de la valeur, mais à un rythme sans cesse décroissant. Ainsi, en 2008, la hausse a été de 3,9% au Québec et elle sera vraisemblablement de 3,5% cette année si la tendance se maintient.

Autrement dit, une maison qui valait 100 000$ dollars en 2002 se vend aujourd'hui 188 500 dollars, environ, soit une hausse de 88,5%. À Montréal, la hausse est de 134% depuis 2001.

L'économiste Maurice Marchon, de HEC Montréal, croit que cette période est révolue. «La valeur des maisons n'augmentera plus au rythme qu'on a connu dans le passé. Au mieux, les prix seront stables: ils suivront l'inflation ou encore moins», croit le professeur d'économie.

Maurice Marchon donne diverses raisons pour expliquer ce ralentissement. D'abord, le prix des maisons a augmenté beaucoup plus rapidement que la capacité de payer des familles depuis le début de la décennie. Plus précisément, le prix réel des maisons (après inflation) a explosé de 88% depuis 2001, alors que le revenu disponible des ménages n'a crû que de 11%.

Certes, le Québec avait du rattrapage à faire sur le reste du pays. Et les maisons demeurent encore relativement plus abordables ici qu'en Ontario ou dans l'ouest du pays. À long terme, toutefois, l'écart entre la capacité de payer et le prix des maisons est insoutenable, croit M. Marchon.

Des taux hypothécaires en hausse

Depuis 10 ans, la croissance économique et le recul marqué des taux hypothécaires ont soutenu le marché. Or, tout indique que les taux hypothécaires vont recommencer à augmenter au cours des trois prochaines années.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a répété que les taux d'intérêt resteront à un niveau plancher d'ici juin 2010, mais après, rien n'est exclu. Mark Carney a même recommandé aux consommateurs d'être prudents avec la gestion de leurs hypothèques, puisque les taux ne resteront pas éternellement bas, a-t-il dit en substance à la fin d'octobre.

Au Mouvement Desjardins, on est d'avis que les taux hypothécaires grimperont de 1,25 à 2,4 points de pourcentage d'ici 2012 pour les termes respectifs d'un an et de cinq ans. «C'est sûr que la hausse des taux risque de freiner la progression du prix des maisons», dit l'économiste Mathieu d'Anjou, de Desjardins.

Maurice Marchon partage ce point de vue. «Le marché des maisons au Canada est vulnérable à la hausse des taux d'intérêt», dit-il.

Cette vulnérabilité est éloquente lorsqu'on calcule la valeur de la maison que peut se payer une famille avec des revenus de 80 000 dollars, par exemple. Aujourd'hui, une telle famille pourrait se permettre une propriété d'au plus 265 000 dollars, estime-t-on.

Or, avec une hausse des taux de 1,5 point de pourcentage d'ici deux ans, une telle famille devrait plutôt visiter des maisons de moins de 239 000 dollars, une différence de 26 000 dollars (voir autre texte). Cette moins grande capacité de payer fera donc pression sur le prix des maisons.

L'économiste spécialisée en habitation de Desjardins, Hélène Bégin, voit elle aussi des hausses de prix plus modérées pour les prochaines années, de l'ordre de 3%. Elle n'est pas aussi pessimiste que Maurice Marchon, cependant. «Pour que les prix baissent, ça prend un choc. Or, je ne vois pas de tels chocs d'ici cinq à dix ans», dit-elle.

Un contexte différent des années 1990

La dernière fois que la valeur des maisons a reculé, c'est au milieu des années 1990. En moyenne, le Québec enregistrait un recul de 3,4% du prix des propriétés résidentielles en 1995, une année qui suivait cinq ans de stagnation.

Hélène Bégin note toutefois que le contexte était bien différent. À l'époque, il y avait un surplus de condos et de logements locatifs. Le taux d'inoccupation des immeubles multi-résidentiels dépassaient les 7%, comparativement à moins de 3% aujourd'hui.

Qui plus est, les taux d'intérêt étaient significativement plus élevés. Les taux affichés pour une hypothèque avec un terme de trois ans étaient de 8,25%, comparativement à 4,5% aujourd'hui.

Certes, le vieillissement des baby-boomers devrait changer la composition de la demande au cours des prochaines années. Mais les personnes âgées déménagent dans une résidence de plus en plus tard (75 ans en moyenne), dit Mme Bégin. C'est sans compter que l'immigration, la nouvelle vague de naissances et la reprise économique pourraient contrebalancer cet effet, selon les nouvelles statistiques disponibles.

Maurice Marchon résume bien la philosophie qui devrait guider les acheteurs. «Il n'y aura pas d'argent à faire dans le résidentiel d'ici cinq ans. Une maison n'est pas un investissement, mais une dépense pour une qualité de vie. Mieux vaut investir dans les actions en Bourse», dit-il.