Dix ans après l'arrivée au Canada de la famille iShares, le pionnier des fonds négociés en Bourse, l'industrie est en pleine croissance.

Les fonds négociés en Bourse (FNB) ont vu leurs actifs exploser de 50% au cours des trois premiers trimestres de 2009. La centaine de FNB offerts au Canada renferment aujourd'hui 31 milliards, six fois plus qu'en 2002. Et l'industrie pourrait atteindre 100 milliards d'ici 2016, si l'on se fie à la firme de recherche Investor Economics.

Grâce à leurs frais modiques, les FNB ont gagné le coeur des particuliers qui prennent leurs propres décisions de placement, des courtiers, des gestionnaires de caisse de retraite, etc.

Les FNB s'échangent comme des actions, par l'entremise d'un courtier. Mais ce sont des paniers de titres qui reflètent la composition d'un indice (boursier, obligataire, etc). Ils permettent donc de diversifier aisément un portefeuille, un peu comme un fonds commun de placement.

Mais contrairement aux fonds communs, les FNB ne sont pas gérés activement par un gestionnaire, ce qui réduit considérablement les frais de gestion... et augmente le rendement potentiel.

Pour l'instant, la famille iShares de Barclays accapare environ 80% du marché. Mais au cours des dernières années, deux autres acteurs ont fait leur place. Claymore mise sur des FNB de créneaux plus pointus, et sur des indices «intelligents». Quant à Jovian, il s'adresse aux spéculateurs, avec sa famille de fonds à effet de levier BetaPro, qui permet de multiplier le rendement, à la hausse ou à la baisse.

BMO entre dans l'arène

La popularité des FNB vient d'attirer un nouveau concurrent. Cette semaine, le Groupe financier BMO a étoffé la famille de FNB qu'il avait lancé en juin dernier, sans tambour ni trompette. Avec l'ajout de neuf produits, la famille compte désormais 13 FNB. Et ce n'est qu'un début!

«Nous ne pouvons pas nous en tenir à seulement 13 FNB. Nous pouvons faire beaucoup plus pour les investisseurs. Nous avons beaucoup d'idées», a confié à La Presse Rajiv Silgardo, qui dirige la famille de FNB de BMO.

Sa priorité? Bâtir des produits solides et liquides qui répondent aux besoins des investisseurs à long terme, plutôt que des FNB qui récupèrent la saveur du mois.

Mais la partie n'est pas gagnée d'avance: iShares a eu tout le temps voulu pour mettre au point sa famille de FNB. M. Silgardo en sait quelque chose. C'est lui qui a créé les iShares! Après 14 ans chez Barclays, le gestionnaire a abandonné la partie, lorsque la firme a décidé de déménager une partie de ses activités en Californie. Une dizaine d'employés-clés l'ont suivi.

Même si le concept des FNB repose sur le copiage (d'un indice boursier), M. Silgardo n'a pas du tout l'intention de calquer la famille iShares.

Au contraire, il veut explorer des créneaux inexploités. «Nous avons plusieurs de nos fonds qui sont uniques au Canada. Nous avons une équipe d'investissement très expérimentée au Canada qui comprend les besoins des investisseurs d'ici. Et BMO s'est vraiment engagée à bâtir une famille de FBN de calibre mondial», affirme M. Silgardo.

De la pacotille qui vaut son pesant d'or

Par exemple, le nouveau fonds BMO obligations de sociétés américaines à haut rendement couvertes en dollars canadiens est le seul FNB d'obligations de pacotille (junk bonds) au Canada.

Il permet aux investisseurs d'investir dans des obligations de sociétés qui offrent un taux d'intérêt largement supérieur (9,54% pour le fonds BMO). Mais comme il s'agit de sociétés plus fragiles, dont la cote de crédit est plus faible, il faut une grande diversification pour atténuer le risque d'insolvabilité. Et pour cela, il faut aller aux États-Unis, car le marché canadien est trop limité.

Jusqu'à maintenant, les Canadiens pouvaient le faire en investissant dans un FNB d'obligations à rendement élevé coté à la Bourse américaine (ex: iShares iBoxx: HYG). Mais ils devaient assumer le risque de fluctuation de la devise. Dorénavant, ils peuvent se tourner vers le FNB de BMO, qui est couvert pour la devise, le tout pour 0,65% de frais annuels, alors que bien des fonds communs de placement similaires prélèvent plus de 2%.

«Dans l'arsenal de l'investisseur canadien, c'est un outil intéressant pour diversifier un portefeuille. Mais, comme on dit à la SAQ, c'est à consommer avec modération!» blague Raymond Kerzérho, directeur de la recherche pour la firme PWL Capital, spécialisé en gestion indicielle.

À l'abri des devises

Les autres fonds de BMO qui misent sur l'étranger sont aussi protégés contre la fluctuation des devises, ce qui devrait plaire aux investisseurs.

«Parmi les conseillers qui m'appellent, un grand nombre me font part des préoccupations de leurs clients à propos de la devise», rapporte Dominic D'Aoust, analyste principal pour les produits structurés chez Valeurs mobilières Desjardins.

Ainsi, le FNB BMO Moyenne industrielle Dow Jones (ZDJ) reproduit le rendement des 30 Blue Chips du Dow Jones. Ce sera le pendant du Diamond, un des FNB les plus connus aux États-Unis, mais en dollars canadiens.

«Le Dow Jones a une très grande notoriété, mais comme placement ce n'est pas un outil optimal», estime cependant M. Kerzérho qui préfère plus de diversification.

Justement, BMO offre aussi un FNB composé des 250 plus grandes sociétés américaines (ZUE). Avec des frais annuel de 0,22% et 0,23%, les deux produits BMO sont une poussière moins cher que le iShares (XSP), qui trace l'indice des 500 plus grandes sociétés américaines (S & P500) en dollars canadiens.

Six banques dans une seule action

BMO offre aussi une brochette de fonds sectoriels équipondérés, c'est-à-dire que chaque titre a le même poids dans le portefeuille, contrairement à la majorité des fonds indiciels qui accordent plus de place aux plus grandes entreprises.

Avec le fonds BMO équipondéré S & P/TSX banques (ZEB), les investisseurs peuvent acheter les titres des six grandes banques canadiennes en une seule action. «Les banques sont une composante de base dans un portefeuille de placement. Elles offrent un bon dividende (4,3%)», fait valoir M. Silgardo.

Cette nouveauté se mesurera au FNB équipondéré de Claymore (CEW), qui regroupe 10 banques et assureurs canadiens et qui est légèrement plus coûteux (0,65%). C'est sans compter le iShares du secteur canadien des services financiers (XFN), dont la moitié du portefeuille repose sur les trois plus grandes banques (Royale, TD, Scotia) mais qui comprend aussi les assureurs, les firmes de courtage, de gestion, etc.

Même si les banques ont souvent la faveur des investisseurs, M. Kerzérho est plus mitigé. «Nous ne sommes pas très chauds sur les paris sectoriels. Si vous aimez les banques parce qu'elles versent un bon dividende, concentrez-vous plutôt sur les sociétés à dividendes», suggère-t-il.

À ce chapitre, le fonds iShares dividendes (XDV) fait partie des choix intéressants pour un investisseur qui cherche des revenus réguliers. Même s'il est composé à 70% de services financiers, le portefeuille renferme aussi des services publics, des télécoms, etc.

Des obligations, entièrement modulables

BMO innove aussi du côté des obligations à court terme (échéance 1-5 ans). Cela tombe à point. «Présentement, beaucoup d'experts veulent garder des échéances plus courtes dans leurs portefeuilles d'obligations. Mais en même temps, ils trouvent que ça ne rapporte pas beaucoup», rapporte M. D'Aoust.

Dans ce créneau, iShares offre actuellement un seul produit, le XSB (frais de gestion 0,25%, rendement 2,26%).

Claymore segmente les obligations à court terme en deux tranches. Le CLF permet de choisir les obligations gouvernementales (frais de gestion 0,15%, rendement 2,2%), tandis que le CBO permet d'investir dans les obligations de sociétés (frais de gestion 0,25%, rendement 3,3%).

BMO offre encore plus de flexibilité, avec trois fonds spécialisés dans les obligations fédérales, provinciales et de sociétés (voir tableau). «Il devrait y avoir de l'attrait pour ces produits-là, parce qu'on peut les moduler à notre goût», avance M. D'Aoust.

Titan contre géant

Un mot, enfin, sur le vaisseau amiral de la famille BMO, le fonds Dow Jones Canada Titans 60 (ZCN). Il permet d'investir dans les 60 gros canons de la Bourse de Toronto, moyennant des frais de 0,15%.

C'est précisément deux points de base en dessous du fameux iShares (XIU) fondé sur l'indice S & P/TSX 60 de la Bourse de Toronto, qui exige des frais de 0,17%. L'écart semble très mince, mais l'industrie des FNB est un combat de point de base.

Même si les deux indices (Titan 60 et S & P/TSX 60) se ressemblent énormément, cela ne veut pas non plus dire qu'il ne faut pas tout vendre ses fonds et racheter un autre, juste pour deux points de base!

Peut-être est-il plus sage d'attendre que le Titan ait fait ses premières armes. Surtout qu'il fait face à un géant: À lui seul, le XIU renferme près de 10 milliards, alors que le Titan de BMO n'a que 43 millions.

Et même si BMO jure qu'elle soutiendra ses FNB de toutes ses forces, il faut se souvenir que d'autres familles de FNB ont déjà dû rendre les armes dans le passé. La Banque TD a retiré ses produits en 2005: peu de volume, peu d'actifs, peu d'intérêt de la part des investisseurs. Et en 2002, State Street avait aussi levé le drapeau blanc, en mettant fin à son fonds Dow Jones Titan 40.