Ils conçoivent des chaussures pour Merrell, des véhicules pour Renault, des meubles pour Ikea.

Les diplômés du programme de design industriel de l'Université de Montréal, qui célèbre cet automne ses 40 ans, travaillent partout dans le monde.

En 1969, ils n'étaient qu'une (petite) poignée à s'engager sur ce terrain encore vierge. Une soixantaine sont maintenant diplômés chaque année.

Les temps ont bien changé. Il y a 25 ans encore, les croquis s'esquissaient au crayon, les rendus se coloraient au feutre, et les dessins de fabrication se traçaient au stylo technique. Tout ça se fait maintenant à l'ordinateur, voire directement SUR l'écran.

«Mais à la base, les principes sont les mêmes», observe Philippe Lalande, directeur de l'École de design industriel. «La force du designer, c'est de bien identifier les problèmes. Les solutions, elles, évoluent avec le temps.»

Le champ de pratique s'est élargi, lui aussi, et ne se résume plus au design de produits. «On voit des applications dans l'intangible, poursuit-il: la conception de systèmes, d'événements, de jeux.»

Ou encore de décors futuristes, comme ceux qu'a esquissés Luc Mayrand pour la série télévisée Babylon 5, de Warner Brothers. Ses croquis d'engins et de cités étranges évoquent un Léonard de Vinci projeté dans le XXVe siècle.

«Je n'insisterai jamais trop sur l'impact de nos diplômés sur l'évolution de la société», lance encore Philippe Lalande. Ils exercent une influence sur l'économie «mais aussi sur la qualité de vie».

Sur la qualité de vie du plus grand nombre, comme l'actuel projet de Jean Labbé pour le métro de Montréal.

Ou sur celle de quelques-uns, telle la plaquette de jeu sudoku en braille, conçue par Martin Pernicka pour l'Institut Nazareth et Louis-Braille.

Tous ces projets font partie des 70 qui sont présentés jusqu'au 4 janvier 2010 au Centre des sciences de Montréal, dans l'exposition Tête Coeur Main. Vous y verrez notamment le Spyder de BRP et le flambeau des Jeux olympiques de Vancouver, dont la forme ondoyante est inspirée des traces de lames sur une patinoire, des stalactites de glace et «de tout ce qui caractérise les paysages hivernaux canadiens», selon Bruno Miron, un de ses créateurs chez Bombardier Aéronautique.

La voie du design durable

Quelque 1200 étudiants ont fréquenté l'École au fil de ses 40 années... quelquefois mouvementées. Au début des années 90, la Faculté de l'aménagement a imposé un moratoire d'un an sur les admissions à l'École, le temps qu'elle redéfinisse son programme. À l'époque, entre les deux pôles traditionnels de la formation universitaire que sont la théorie et la pratique, la première en était venue à occuper trop de place. Nommé en 1993, un nouveau directeur, Albert Leclerc, auréolé d'une longue expérience de design en Italie, a recentré le programme en orientant davantage vers la technique - programme qui a toujours cours aujourd'hui.

Ce délicat équilibre fait l'originalité et la qualité de l'École, estime Philipe Lalande. «Nous formons des designers qui sont habilités à occuper des postes techniques, dit-il, mais qui sont en même temps sensibilisés aux grands enjeux du design.»

Ces designers-citoyens, comme il les appelle, embrassent largement la cause du design durable. C'est la voie qu'ont emprunté Maud Beauchamp et Marie-Pier Guilmain. Diplômées en 2008, elles ont lancé la fabrication d'une maisonnette pour chats en carton recyclé, qui s'assemble sans outil ni colle. «On cherchait un produit nouveau pour les animaleries, explique Marie-Pier Guilmain. On voulait assurer le succès auprès des chats, qui aiment les boîtes de carton.»

«Ces jeunes renouvellent la pratique du design», commente Denyse Roy, qui a fait partie de la première cohorte d'étudiants de 1969, et qui est maintenant professeure agrégée à son alma mater.

Quarante ans de créativité utile.