Les sites web d'encan et de petites annonces sont comme un grand bazar planétaire, où l'on peut vendre, acheter ou louer à peu près n'importe quoi. Or, ces sites sont aussi un paradis pour les fraudeurs, comme l'a découvert Manon Sauvageau.

La dame avait placé une annonce sur le site web LesPAC (petites annonces classées) afin de louer un chalet au bord de l'eau en Estrie. Fin septembre, elle reçoit un courriel d'un locataire potentiel qui souhaite louer la résidence pour deux mois, cet automne. «Moi et ma famille souhaiterions faire la location de votre locale pour nos vacances. Mon épouse la vu en parcourant votre annonce (sic)», lui écrit Paul Lightowler, qui se présente comme un expatrié franco britannique vivant dans l'Ouest de l'Afrique.

Mme Sauvageau prend ses précautions : elle exige un dépôt de sécurité de 2000$ en plus du prix de la location de 5500$. Et elle demande une copie du passeport de chaque membre de la famille.

Dès le lendemain, l'homme confirme la location. Il joint une copie de son passeport ainsi que des photos de «sa petite famille». Il précise qu'il procédera à un virement bancaire de 7500$, «car ce sera plus sécurisant pour vous et moi». Il demande à Mme Sauvageau les informations sur son compte bancaire, ainsi qu'un contrat de location signé.

Au début d'octobre, Mme Sauvageau reçoit appel bizarre du supposé Paul Lightowler qui lui apprend qu'il ira à la banque le jour-même. Or, l'homme n'a pas du tout l'accent britannique...

Mais le virement n'a pas lieu, car la Banque Centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) exige que le bénéficiaire du virement (en l'occurence Mme Sauvageau) verse d'abord 10% de taxes (750$ dans le cas présent), lui raconte le supposé locataire, dans un nouveau courriel.

En conséquence, il demande à Mme Sauvageau de lui envoyer un virement de 750$, suite à quoi il promet de lui expédier 8250$, pour couvrir le montant de la location plus les taxes.

Mme Sauvageau ne marche pas dans la combine. Depuis le début, elle flairait l'arnaque, mais le passeport et les photos lui avaient donné confiance.

«C'est le modus operandi de cette fraude-là!» s'exclame le caporal Louis Robertson, de la Gendarmerie Royale du Canada et du centre d'appels anti-fraude Phonebusters.

Les fraudeurs volent ou fabriquent un faux passeport : c'est si facile avec les photos et les informations personnelles que les internautes versent sur des sites comme Facebook!

Ensuite, les fraudeurs envoient des copies du passeport pour se donner une crédibilité aux yeux de leurs victimes. Après avoir gagné leur confiance, ils leur soutirent de l'argent comptant, un chèque ou un virement bancaire par toutes sortes de stratagèmes.

Le coup des taxes est un classique. Autre exemple : les fraudeurs achètent une voiture de collection 40 000$. Mais ils envoient un chèque de 50 000$ «par erreur» et demandent au vendeur de leur retourner 10 000$. Évidemment, leur chèque est faux!

Ce genre de fraude est difficile à éradiquer. Mais les utilisateurs de sites de petites annonces devraient quand même dénoncer les tentatives de fraude aux responsables de la sécurité du site. «On prend ça très au sérieux», assure Suzanne Moquin, président de LesPAC, une filiale du Groupe Pages Jaunes. LesPAC peut retirer une annonce douteuse.

Les victimes peuvent aussi dénoncer l'arnaque à Phonebusters qui reçoit environ 40 000 plaintes par mois. D'ailleurs, les fraudes émanant d'internet ont explosé de 48% l'an dernier. Et les sites web d'encan et de petites annonces sont souvent cités.

Ainsi, Phonebusters a enregistré 240 plaintes en relation avec LesPAC depuis 2003, 522 plaintes en relation avec AutoTrader (AutoHebdo) depuis 2000, 910 plaintes en relation avec Craigslist depuis 2004, 2921 plaintes en relation avec Kijiji depuis 2005, et 5922 plaintes en relation avec eBay depuis 1999.

Le centre anti-fraude peut faire pression auprès des MSN, Google et autre Yahoo pour que les adresses courriel louches soient fermées. Mais rien n'empêche les fraudeurs d'en ouvrir une nouvelle...

La clé reste donc la prévention. Voici des suggestions pour éviter d'être piégés :

- Lisez les conseils de sécurité du site web pour apprendre à reconnaître les fraudes les plus fréquentes.

- «Pensez local», dit Mme Moquin. Privilégiez les transactions en personne. N'envoyez jamais de chèque, d'argent comptant, de virement bancaire à un inconnu, surtout à l'étranger.

- N'utilisez pas non plus les services d'un intermédiaire, comme Western Union, Bidpay ou Money Gram, pour procéder à l'échange.

- Avant de faire affaires avec un inconnu, faites votre petite enquête: entrez son nom et ses coordonnées dans un moteur de recherche comme Google.

- Ne confiez pas votre numéro de compte de banque ou d'autres informations financières.

- Si, malgré tout, vous tombez dans le panneau, fermez votre compte bancaire rapidement et avertissez Équifax et TransUnion qui inséreront une alerte dans votre dossier de crédit, afin d'empêcher un fraudeur d'obtenir du crédit en usurpant votre identité.