Qui l'eut cru ? Les CELI, qui avaient été conçus pour aider les Canadiens à se constituer un fonds d'urgence, ont permis à certains investisseurs audacieux de multiplier leur mise, en profitant des rendements fous de la Bourse depuis le début de 2009.

Au départ, le fédéral avait présenté le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) comme un outil idéal pour permettre aux Canadiens de se bâtir un coussin de sécurité ou pour épargner en vue d'un projet à court terme (rénovation, voyage, voiture, etc.).

Depuis le 1er janvier 2009, tous les Canadiens de plus 18 ans peuvent cotiser 5000 $ par an dans leur CELI. L'argent y fructifie à l'abri de l'impôt. Les épargnants n'ont pas à payer d'impôt non plus lorsqu'ils retirent de l'argent de leur compte. Ils peuvent même remettre les sommes qu'ils ont retirées dans leur CELI, mais ils doivent patienter à l'année suivante.

La plupart des institutions financières ont encouragé leur clientèle à glisser dans leur CELI des placements garantis : comptes à intérêts élevés, certificats de placement garantie (CPG), dépôt à terme, obligations... Logique, puisqu'il ne faut pas risquer l'argent dont on pourrait avoir besoin au moindre imprévu.

« Chez nous, 95 % des CELI contiennent des CPG : beaucoup de court terme et de rachetable. Environ 5 % des clients ont investi dans des fonds communs, et ce sont des fonds très conservateurs », indique Manon Stébenne, porte-parole de la Banque Laurentienne où les CELI ont remporté un succès inespéré. Au rythme où les clients ouvrent des comptes, la banque devrait tripler les objectifs qu'elle s'était fixés pour l'année.

Le choix de titres sûrs à l'intérieur du CELI paraissait d'autant plus justifié que les intérêts versés par les titres à revenus fixes coûtent plus cher d'impôt (jusqu'à 48 %) que le gain en capital (jusqu'à 24 %) et les dividendes (jusqu'à 30 %) que génèrent les actions.

Sauf que les taux d'intérêt sont tellement bas que l'économie d'impôt réelle est bien maigre. Par exemple, un placement de 5000 $ à 4 % produit des intérêts annuels de 200 $. Dans le meilleur des cas, le CELI permet donc d'économiser 96 $ d'impôt par année... pour les contribuables qui gagnent 124 000 $ par année. Ce n'est pas énorme.

Coup de circuit

Voilà que d'autres investisseurs, qui n'avaient par besoin de leur argent à court terme, ont adopté une approche plus audacieuse avec leur CELI. Ils ont acheté des actions ou des fonds. Et comme la Bourse a explosé de 27 % depuis le début de 2009 (voir tableau), certains CELI renferment aujourd'hui de vraies petites fortunes.

Robert Arcand fait partie des chanceux. Dès le début de janvier, le retraité de 64 ans a mis 5000 $ dans son CELI. Puis, il a acheté des actions des Mines de fer Consolidated Thomson, à 0,86 $, au début de l'hiver.

Le titre de la société minière qui avait frôlé les 10 $ en 2008, s'était écroulé à cause de la crise du crédit. Mais à la fin de mars, le vent a tourné quand un groupe chinois a offert un financement de 240 millions de dollars. Depuis, l'action est remontée à tout près de 6 $. Et M. Arcand se retrouve avec presque 22 000 $ dans son CELI !

« J'ai été chanceux ! C'est un coup de circuit. Mais j'aurais pu tout perdre , dit l'ancien chef d'entreprise qui a une stratégie de placement « à peu près sans risque » dans son REER. « À la Bourse, on ne peut pas prévoir ce qui va se passer. Il ne faut pas investir si cela risque de nous empêcher de déjeuner le lendemain. »

« Il y a des gens qui se sont dit : je vais tester dans mon CELI des choses que je ne ferais jamais autrement dans mon REER », souligne Richard Dussault, premier vice-président chez BMO Ligne d'action.

La firme de courtage direct a connu une croissance de 113 % de ces ouvertures de comptes cette année, en bonne partie en raison de la popularité du CELI. Actuellement, les comptes actifs renferment 5500 $, en moyenne.

Mais 3 % des CELI ont plus que doublé. Ces comptes valent 15 100 $ en moyenne. Et le champion s'élève à 28 000 $... presque six fois la cotisation annuelle maximale !

« Il y a une clientèle qui a réussi à faire fructifier son CELI de façon spectaculaire », constate M. Dussault. Mais il assure que 97 % des gens ont des placements très conventionnels, comme des fonds communs ou des fonds négociés en Bourse.

Ces produits ont l'avantage d'offrir une bonne diversification, même si les investissements se limitent à quelques milliers dans le CELI, pour l'instant.

Mais encore faut-il que les fonds aient un potentiel de rendement suffisant. Sinon, l'économie d'impôt espérée ne couvrira pas les frais administratifs du CELI perçus par plusieurs firmes de courtage (de 50 $ à 80 $ par an, mais la plupart des firmes les éliminent dans certaines circonstances).

Ainsi, il vaut mieux ouvrir un CELI dans une banque où il n'y a pas de frais et investir dans un CPG (ex : 3 % sur 5 ans) ou un compte à intérêts élevés (1,05 %), plutôt que d'opter pour un fonds de marché monétaire qui verse pratiquement 0 % dans un compte de courtage qui prélève des frais.