Consommateurs, croisez-vous les doigts: si tout va rondement, la loi 60 sera en vigueur dès cet automne. En tout cas, c'est le souhait de la ministre de la Justice du Québec qui veut remettre au pas l'industrie des télécommunications.

Au cours des prochaines semaines, une demi-douzaine d'intervenants feront valoir leur point de vue lors des consultations qui se dérouleront en commission parlementaire.

Espérons que la loi 60 sera adoptée rapidement par la suite, et surtout qu'elle ne sera pas diluée en cours de route par les pressions de l'industrie. Car présentement, les consommateurs sont vraiment pieds et poings liés face aux sociétés de télécom, comme le démontre cet exemple récent...

En 2007, Denis Gagnon a reçu un message de Bell l'informant qu'il devait procéder à la mise à jour du logiciel du téléphone cellulaire qu'il utilisait depuis trois ans.

À la boutique de Bell, le vendeur l'a convaincu d'opter pour un nouveau téléphone supposément gratuit. Sur la facture, Bell lui a crédité 149,95$, soit la valeur du nouvel appareil. Mais ce «cadeau» était assorti d'un abonnement de trois ans.

Au mois d'août dernier, M. Gagnon a mis fin au service, 11 mois avant la fin du contrat. Bell lui a imposé une pénalité de 220$, c'est-à-dire 70$ de plus que le rabais accordé deux ans plus tôt!

Étrange? Pas selon Bell: «Les téléphones sont encore subventionnés. Quand on offre un téléphone 150$, le coût est plus élevé, dit Claire Fiset, porte-parole de Bell. Pour nous, le contrat est une façon de récupérer les coûts, tout en faisant bénéficier les clients d'une mise à niveau de leur appareil. Cela convient à bien des clients.»

M. Gagnon n'est pas de ceux-là. «Trois ans, c'est long! Avoir su, j'aurai payé 150$ au début», dit-il. Il s'est plaint au service à la clientèle qui l'a référé à l'entente de service sur le site web de Bell. On y explique que les clients qui mettent fin à leur engagement avant terme, doivent payer une pénalité de 20$ par mois restant au contrat (100$ minimum, 400$ maximum).

Or, M. Gagnon est formel: on ne lui a jamais remis l'entente de service. «Le client était avisé. Sur la facture du téléphone, il était écrit: rabais en magasin avec contrat 36 mois, attention aux frais», fait valoir Mme Fiset.

Peut-être, mais l'ampleur des frais n'était détaillée nulle part. Selon Isabelle Durand, avocate chez Option Consommateurs, M. Gagnon pourrait donc contester les frais, en arguant qu'il s'agit d'une «clause externe» qui peut être annulée si, «au moment de la formation du contrat, elle n'a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur», comme le stipule l'article 1435 du Code civil.

De plus, «aucun commerçant ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important», prévoit l'article 228 de la Loi sur la protection du consommateur.

Si le projet de loi 60 est adopté, les consommateurs n'auront plus à se battre ainsi. Les pénalités démesurées ne seront plus légales. En fait, la pénalité ne pourra pas excéder le montant du rabais accordé, et ce montant diminuera avec le temps pour tenir compte de la dépréciation.

De plus, il sera interdit d'imposer une pénalité aux consommateurs qui veulent déchirer leur contrat parce que leur fournisseur vient d'en modifier une clause.

Il faut savoir que des entreprises insèrent souvent dans leur contrat une clause de modification unilatérale qui leur permet de changer l'entente sans que le client puisse réagir. C'est ainsi qu'au printemps dernier, Bell a doublé les frais de location de modem pour tous ses abonnés Internet, y compris ceux qui venaient à peine de renouveler leur abonnement pour un an.

En attendant la loi 60, les consommateurs qui n'arrivent pas à régler leurs problèmes avec le service à la clientèle de Bell, peuvent téléphoner au centre de relation avec les clients de la haute direction en composant le 1 866 317-3382.