On aimerait voir des autobus aux formes fluides, dont les fenêtres doucement arquées affleurent la carrosserie... Mais voilà, dans l'univers des autobus urbains, ceux qui utilisent les produits ne sont pas ceux qui les achètent.

«Une vitre courbée, c'est très beau», observe Jean-Pierre Baracat, vice-président au développement des affaires de Nova Bus, «mais ça coûte beaucoup plus cher qu'une vitre plate».

Plate, en effet, mais le marché dicte sa loi. «Les commandes sont souvent accordées au plus bas soumissionnaire conforme et il n'y a pas beaucoup de points pour l'esthétique», fait-il valoir.

Les autobus européens ont pourtant des fenêtres lisses, collées sur la structure. Facile, expose Jean-Pierre Baracat: pour les issues de secours, ils fournissent un marteau. Ici, en cas d'urgence, les fenêtres doivent s'ouvrir avec une poignée qui se manipule avec un maximum de deux mouvements. C'est plus complexe, plus cher. Plus laid.

Voilà pourquoi les vitres des autobus LFS ressemblent à des fenêtres de bungalow.

Le marché nord-américain est très encadré. Très rigide. Très carré. Les autobus aussi, par conséquent.

Les normes imposent un volume fixe de 40 pieds de long et de 102 po de large. «Pour maximiser l'espace-passager, l'idéal serait une boîte à chaussures, décrit Jean-Pierre Baracat. On essaie d'aller chercher un look à l'intérieur de cette enveloppe.»

Un look et un prix. Il confie que le designer du modèle Nova LFS d'origine, Jean Labbé, déplorait déjà - voire reniait - certains compromis que le constructeur avait dû consentir par rapport à sa proposition initiale, en 1996.

Ainsi, la lunette arrière pleine largeur et les portes à pantographes mieux intégrées à la carrosserie, qu'on voyait sur les premiers modèles, ont disparu à l'occasion d'un appel d'offres où les coûts étaient particulièrement critiques.

Comment articuler un autobus

C'est dire les contraintes qu'ont affrontées les concepteurs du nouvel autobus articulé présenté à la presse il y a quelques jours.

Surprise, le moteur est placé complètement à l'arrière de la section articulée, où il anime les roues du troisième essieu - comme si votre remorque poussait votre voiture.

Nova Bus obtient ainsi un autobus articulé qui utilise un maximum d'éléments de son modèle standard de 40 pi, avec la même section arrière motrice et une section avant d'empattement égal.

Cette configuration permet d'offrir aux mécaniciens un accès aux organes propulsifs en tout point identique à celui des autobus ordinaires.

En outre, le fait que le moteur ne soit pas dans la section avant libère un précieux espace de circulation pour les passagers. Car la «fluidité» est la hantise des sociétés de transport: «Avancez en arrière!»

Dans un autobus articulé, la principale restriction à cette circulation se situe entre les logements des roues de l'essieu médian. Pour élargir ce goulot, Nova Bus a recouru à une solution unique en Amérique du Nord: remplacer les roues doubles par des roues simples. Il a fallu dénicher des pneus spéciaux capables de soutenir la charge.

L'unique designer de Nova Bus, Steve Beaulieu, a couvert les passages de roues amincis d'une coquille qui épouse au plus près les éléments mécaniques. Elle est moulée pour recevoir directement les sièges standard du fournisseur.

«On gagne beaucoup d'espace en moulant le siège autour de la mécanique, décrit René Allen, vice-président développement de produits. Sinon il aurait fallu mettre un habillage puis installer le siège par-dessus.» Chaque centimètre compte.

L'autobus articulé et le LFS standard de 40 pi partagent une amélioration suggérée par une municipalité québécoise, qui souhaitait une circulation plus facile à l'arrière du véhicule. Le moteur, qui occupait le coin arrière droit de la cabine, a été abaissé et centré sur l'arrière. Le radiateur a été juché sur le toit.

Ici encore, des sièges moulés serrent au mieux l'espace moteur et les passages de roues arrière. Ils dégagent une rotonde plus conviviale. «La surface de plancher est la même, mais l'espace utile a augmenté énormément», indique René Allen.

Le designer Steve Beaulieu a redessiné tout l'arrière du véhicule, où il a intégré des blocs optiques colorés. Les coins inférieurs de la carrosserie, les plus vulnérables aux heurts, sont désormais indépendants de la façade arrière, donc plus faciles à réparer.

Mesurez le défi de la pérennité esthétique: avec une durée de vie de 16 ans, ces autobus rouleront encore en 2025. Le design d'origine aura alors 30 ans.