«Je suis une femme dans la mi-trentaine, nous écrit Valérie. J'ai terminé mes études sur le tard avec d'énormes dettes. Cependant, grâce à l'achat d'un triplex dont la valeur a doublé en moins de 10 ans et à un mode de vie plutôt simple, je crois être en très bonne posture financière.»

Mais est-ce bien le cas?

Le triplex en question vaut environ 300 000$.

Sans conjoint ni enfant, Valérie est sur le marché du travail depuis une dizaine d'années. Elle a travaillé successivement pour trois entreprises en restructuration. Elle a compris, et elle est maintenant consultante. Après des années de revenus étriqués, elle gagne environ 60 000$ par année.

 

«Je mets quelques sous à la Bourse sous forme ou non de REER depuis 10 ans, et la valeur de mon avoir est moindre que ce que j'y ai investi, déplore-t-elle. Si on ajoute l'inflation, c'est carrément décourageant! Payer mon hypothèque me semble une approche intelligente. Je suis certaine d'économiser 5,8% en intérêts que je n'aurai pas à payer sur ma dette hypothécaire.»

Par contre, parents, amis et autres conseillers bien intentionnés lui répètent qu'il serait irresponsable de ne pas cotiser à son REER.

«Qu'en pensez-vous? Un triplex vaut-il un REER?»

Trois questions

La planificatrice financière et actuaire Nathalie Bachand a attaqué le problème sous trois angles.

Le premier: l'investissement dans ce triplex est-il justifié? Pour l'établir, la planificatrice fait une comparaison des coûts engagés par Valérie pour se loger, selon qu'elle conserve ou vend son immeuble.

D'une valeur de 300 000$, sa propriété est encore hypothéquée à hauteur de 89 000$, à un taux de 5,8%. Avec un peu plus de six ans à courir sur l'amortissement, le paiement hebdomadaire est fixé à 315$.

Une fois soustraits les dépenses et les intérêts payés sur l'hypothèque, les deux loyers lui procurent un revenu annuel de 5500$.

Si on considère les revenus nets de location, l'impôt payé sur ces revenus et les dépenses engagées pour l'étage qu'elle occupe personnellement, Valérie paie 1500$ par année pour se loger. Notre planificatrice n'inclut pas le remboursement de capital de 11 600$ par année, qui constitue en fait de l'épargne.

La conseillère pose ensuite l'hypothèse que Valérie vend son immeuble. Pour comparer des comparables sans introduire la difficulté d'acheter un condo à bas prix dans un secteur recherché, elle suppose que Valérie louerait un logement et paierait un loyer équivalent à celui qu'elle demande à ses locataires, soit la modeste somme de 650$ par mois.

Après avoir acquitté le solde hypothécaire et payé l'impôt sur le gain en capital réalisé sur la partie locative de la propriété, Valérie tirerait des liquidités de 180 000$ de la vente de son immeuble. Cette somme serait investie avec un rendement de 4%.

«Le loyer moins le rendement obtenu après impôt sur cet investissement s'élèverait à 3400$ par année, ce qui est relativement supérieur à son coût actuel de 1500$», calcule Nathalie Bachand.

Pour que les deux options s'équivaillent, le rendement devrait grimper à 5,7%, et pour véritablement faire match égal, il faudrait encore tenir compte de la plus-value que réaliserait l'immeuble avec le temps.

«Il ne nous apparaît pas intéressant de vendre, d'autant plus que l'effort d'épargne est actuellement automatique et que la qualité de vie est probablement meilleure lorsqu'on est chez soi!» commente la planificatrice.

Ralentir l'hypothèque?

Deuxième point de réflexion: si Valérie conserve son immeuble, devrait-elle ralentir le remboursement de l'hypothèque? Encore une fois, petit jeu de comparaison.

Valérie paie 4800$ d'intérêt par année pour son immeuble, dont les deux tiers sont déductibles de ses revenus aux fins de l'impôt. Avec un taux marginal d'imposition de 38,4%, elle paie donc 3571$, soit 4,3% du solde moyen de l'hypothèque durant l'année.

«Elle devrait donc avoir un rendement après impôt de 4,3% sur ses placements pour qu'il soit avantageux d'investir au lieu de rembourser son hypothèque, ce qui est loin d'être gagné d'avance», conclut Nathalie Bachand.

Trop concentré?

Conserver le triplex et maintenir le même rythme de remboursement présente l'inconvénient de concentrer les investissements dans l'immobilier. Cependant, cette situation ne durera que six ans, au terme desquels l'hypothèque sera acquittée. Valérie aura alors 42 ans. «Elle aura plus de 15 000$ par année à consacrer à l'épargne, elle pourra alors rattraper ses cotisations REER d'ici à sa retraite, envisagée à 65 ans», fait valoir Nathalie Bachand.

Pour Valérie - mais parce qu'elle est jeune et que son coût de logement très bas -, un triplex vaut donc un REER.

LES DONNÉES

Valérie, 36 ans

Consultante autonome

Revenus: 60 000$

REER: 30 000$

Propriété: triplex de 300 000$

Hypothèque: 89 000$

Revenu de location moins dépenses: 5500$

»Il serait important de s'informer auprès de l'assurance habitation pour un avenant protégeant les loyers en cas de sinistre. Elle devrait alors continuer à assumer l'hypothèque sans les revenus.»

Nathalie Bachand, planificatrice financière

 

Correction

Une erreur s'est glissée dans la chronique du 31 mai. Plutôt que «Le fait de convertir des sommes enregistrées en CELI...», il fallait lire: «Le fait de convertir des sommes non enregistrées en CELI viendra directement réduire le revenu imposable, car le rendement sur les sommes investies n'est plus soumis à l'impôt.» Nos excuses à nos lecteurs et à la planificatrice invitée.

 

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